G...T...A...

Ces trois lettres résonnent dans ma tête depuis un an. J’y pense matin et soir, j’en rêve, cela m’excite et m’angoisse également. Délicieux mélange des genres qui font penser à une histoire d’amour.

La grande traversée des Alpes est un trek mythique pour tout marcheur un tant soit peu engagé. Près de six cent kilomètres, 38000 mètres de dénivelé positive, soit quatre fois l’ascension de l’Everest depuis le niveau de la mer, et un nombre incalculable de cols à franchir sont au programme. À ce stade, je n’ose imaginer le nombre de pas, de calories, de litres de sueur qui seront nécessaires pour relier St Gingolph, sur les rives du lac Léman, à Menton, au bord de la mer Méditerranée.

Ce projet, je l’avais en tête depuis longtemps en réalité. Peut être pas verbalisé, ou réfléchis, pas assumé, dormant là dans un coin de ma boîte à rêves. Comme faisant partie de projets qu’on ne fait qu’une fois dans sa vie. La plupart verra là le terreau à un nouvel exploit sportif lié à l’effort, l’isolement. En réalité, cette aventure est avant tout le magnifique prétexte à une retraite spirituelle, méditative sous couvert d’un exploit physique. À travers l’aspect minimaliste de mon équipement, c’est le retour aux fondamentaux de l’existence que je cherche inconsciemment. Le fait de « vivre » avec simplement un équipement basique pour réaliser ce que je sais déjà, à savoir, que le bonheur ne se trouve pas dans les biens matériels, mais au contraire, dans la liberté qu’apporte le détachement du consumérisme. Cette approche n’est pas dénuée de paradoxe car j’en ai passé du temps à peser chaque gramme de chaque matériel, regarder des vidéos qui vantaient les mérites des différents produits, acheté aussi, pour faire mes différents essais. En faisant cela, j’ai bien conscience d’un certain paradoxe car en voulant fuir le consumérisme, je le nourris également. C’est décidément une plante carnivore vorace, jamais rassasiée et dont il est bien difficile de ne pas se laisser enivrer par les parfums entêtants. Et puis, je ne suis pas parfait. Tout simplement.

La recherche de l’isolement sera également un vecteur clé de mon approche. Surtout le soir car ce chemin est somme toute assez fréquenté. Le projet est ainsi basé sur des nuits qui seront essentiellement en bivouac, dans des endroits sauvages. L’isolement recherché ici n’a rien à voir avec la solitude. Celle-ci a généralement un caractère subi et délétère, emprunt de souffrance, peut-être la plus grande qui soit. L’isolement est ici le socle d’un voyage intérieur lequel me laisse à penser que je ne serai jamais totalement seul et surtout, fort occupé. Les pensées et réflexions sont des enfants très capricieux qui se réveillent généralement en fin de journée quand vous pensiez n’avoir plus rien à faire.

Alors défit sportif ? Démarche spirituelle ? Besoin narcissique de se prouver que le corps et le mental fonctionnent toujours malgré l’inexorable et insatiable appétit du temps qui passe ?

Peu importe, après tout.

Nous sommes à 37 jours du départ.

Aujourd’hui, j’ai voulu tester mon équipement pour la GTA en allant bivouaquer. Sur les crêtes au dessus de la maison.

L’accès au Montrond s’est fait sans problème, hormis le saccage des bûcherons qui m’a obligé à adapter mon chemin. Arrivé en haut, j’ai eu envie de pousser jusqu’au Colomby. Il n’y avait personne, et le temps était un peu menaçant au début, finit par se stabiliser. Arrivé au Colomby, je profite du paysage, puis fait demi-tour afin de trouver un emplacement pour bivouaquer..

- Vous savez s’il y a des refuges d’ouverts, par ici ?

- Ben non, il n’y a rien. Les maisons en bas sont des châlets d’alpage et sont fermées. Et il n’y a pas d’eau non plus. Mais ça, ce n’est pas très grave, vous pouvez faire fondre de la neige...

- C’est que... on n’a pas de réchaud...

Deux randonneurs sympathiques, mais un peu paumés m’accostent sur la crête. Il est 19h passé, ils ne savent pas où dormir, ne connaissent pas la région, n’ont rien pour réchauffer... Bonne chance les amis.

Tel un chat qui se tortille avant de se coucher, je tourne un peu en rond avant de trouver un chouette emplacement, proche de la crête mais entouré de monticules qui, je le croyais, me protégerai un peu du vent.

Bivouac installé en quelques minutes : l’abri tient ses promesses en terme de facilité de montage. Puis c’est le temps de la soupe, du lyophi et du fromage. Le soleil est en train de tomber sur le Jura, l’air est serein, je me sent bien et profite de l’instant présent en savourant le spectacle depuis ma chambre d’un soir.

Colomby de Gex

La chambre pour cette nuit

Coucher de soleil depuis le dodo

Pour faire court, la nuit à été horrible. Le vent s’est finalement levé à 21h et n’a fait que forcir toute la nuit.

Ma tente est secouée tel un radeau de naufragé perdu en pleine tempête. Je sors plusieurs fois pour m’assurer que mon esquif tient la barre et retendre quelques haubans.

Le vent s’engouffre parfois sous le tapis de sol et soulève mon sac de couchage en donnant des coups de boutoir. À chaque accalmie, on a l’impression que cela va s’arrêter. Mais non, le taureau furieux continue sa folle attaque contre mon pauvre bout de chiffon (même pas rouge). Le bruit de la toile qui claque m’empêche de fermer l’œil et je vois les heures qui s’égrènent: 23h, minuit, 1h, 2h,...

5h. Le vent est devenu vraiment trop important. Je ne dormirai plus de toute manière alors je décide de lever le camp et remballe tout. Sage décision, sur les crêtes, le vent me déséquilibre parfois sous ses bourasques. La récompense, car il y en a toujours une en montagne, pour qui sait la voir, viendra avec le lever de soleil sur le lac Leman et le massif du Mont-Blanc.

Malgré cette nuit agitée, je me sens bien et poursuis ma route - entraînement oblige - jusqu’au Turet où je ferai une petite sieste après avoir bu mon thé.

De retour à la maison, le bilan est somme toute très positif. J’ai pu tester mon équipement dans des conditions difficiles et tout s’est bien passé. Quelques ajustements et mon matériel sera décidément fin près.

Quant à moi...

“Adventure should be part of everyone’s life. It is the whole difference between being fully alive and just existing.”

Holly Morris

Une nouvelle inconnue, qui me tracasse depuis quelques jours, concernant mon itinéraire est... la neige. Il y a eu des chutes abondantes ces dernières semaines et les cols en altitude sont non praticables pour le moment.

Bon... encore un mois pour que cela fonde. La bonne nouvelle est que je monterai les cols par le nord (neige plus dure mais la montée est moins risquée) et les redescendrai par le sud (où la neige sera molle). Quoi qu’il en soit, des crampons seront de la partie, c’est sur. Quant au piolet, je me tâte encore. Je verrai à J-1...

J’ai d’ores et déjà mis à jour mon itinéraire pour shunter un passage qui pouvait être exposé. Du coup, cela me l’a raccourcit : plus que 565 kms... presque facile...

Ce soir, c’est étrange. Je ressens une sorte de plénitude sereine en pensant à mon aventure future. La chaleur de cette soirée souffle un vent chaud sur ma nuque. En regardant \240les Aravis, je ressens comme un doux appel à venir rejoindre ces montagnes sacrées, à les parcourir, me fondre en elles pour ne faire plus qu’un.

Je n’ai pas la vision d’un défit physique, même si cela en est un assurément. Mais plutôt le sentiment que, bientôt, je ferai mes premiers pas dans une aventure unique, à la fois très engagée et très sereine. Quelque part, le sentiment de suivre, en pleine conscience, un chemin inconnu, support alpestre à un voyage intérieur.

En fait, l’impression étrange de rentrer chez moi.

Comme tous les soirs depuis des semaines désormais, je m’endors en imaginant toujours la même image. Je regarde mon abri planté au pied d’une belle falaise.

La neige est mon obsession depuis plusieurs jours, si ce n’est semaines. L’hiver tardif, et les chutes récentes rendent en effet le passage des cols en altitude vraiment aléatoire, voire exposé. Il y a quelques jours, un randonneur a été emporté par une avalanche alors qu’il se promenait sur un chemin classique balisé… En plus de l’aspect sécurité, la neige complique tout, que ce soit dans l’identification de l’itinéraire, la recherche d’emplacements de bivouac et la vitesse de progression sensiblement diminuée.

Le doute s’est d’abord installé sur le fait de prendre un piolet ou pas, seul outil capable d’enrayer une chute. Mais me coltiner ce poids mort sur des centaines de kilomètres, sans compter le machin qui pendouille et m’enquiquinerait à chaque arrêt lorsque je manipulerai mon sac, ne me faisait pas rêver. A force de tergiverser, je prends la seule décision qui s’imposait : je décale mon départ d’une semaine afin de profiter d’une nouvelle semaine de chaleur qui va contribuer à faire fondre les névés. Au moins, s’ils ne disparaissent pas complètement, ils n’en seront que moins dangereux. Et avec mes petits crampons que je prends de toute manière, je passerai partout.

Départ prévu le 10 juillet.

Première fois de ma vie que je me rends chez une pédicure. Voulant mettre toutes les chances de mon côté, j’ai voulu chouchouter mes pieds avant le grand départ. Moi qui pensait que c’était un truc de mamies qui ne peuvent plus accéder à leurs orteils, bien m’en a pris. La praticienne m’a gardé trois quarts d’heure et ma refait des pieds de bébé en m’otant tous les trucs en trop qui aurait pu favoriser l’apparition d’ampoules. L’expérience a été super agréable. En plus, elle m’a passé un super conseil pour tanner la peau avant un effort de cette envergure : jus de citron suivi d’une crème hydratante chaque jour pendant une semaine avant le départ.

Et donc, me voilà avec un nouveau rituel tous les soirs jusqu’au départ…

Mon dos me faisait trop souffrir depuis plusieurs jours… A me rouler par terre parfois, surtout lors des changements de position où un vilain génie m’enfonçait un poignard dans les lombaires à chaque fois que je me levais. Rendez-vous avec notre médecin aux Rousses. Le trajet est un calvaire. Verdict : sciatique. Notre médecin me prescrit la totale avec des anti-inflammatoires de cheval, de la rééducation, voire une IRM au besoin… Bien entendu, je me garde bien de lui dire que, remis ou pas, je pars dans 8 jours exactement pour 600 km de treks dans la montagne. Je ne vais quand même pas remettre en question un projet préparé depuis un an pour une bête douleur dans le dos…

Et puis impossible de m’arrêter cette semaine de toute manière : trop de boulot… trop de rendez-vous… trop de trop… Je fais confiance aux anti-inflammatoires et vais rester bien tranquille. Couplés à des étirements et le fait de garder le moral, ça devrait passer crème.

Les nouveaux amis de mon dos.

Super nouvelle : je réponds très bien aux médicaments ! On garde le moral : ça va le faire…

Aujourd’hui, cela fait vingt cinq ans que nous nous sommes rencontrés avec Rose-May, un soir d’orage, au refuge de Plan Sec en Vanoise.

Pas le temps de fêter cet anniversaire. Ma Chérie doit partir tôt pour la suite de son programme qui inclue un séjour à Névache. Quant à moi, je dois accompagner Maxence à Belgarde pour qu’il prenne son train pour Brétignolles. Un long voyage l’attend avant de pouvoir surfer… Apparemment, de grosses vagues sont annoncées ; je m’en réjouis pour lui.

Sitôt rentré, je continue activement mon week-end de repos pour soulager mon dos. Les anti-inflammatoires font de l’effet, autant rester sage. Je reste en léthargie jusqu’en milieu d’après-midi où une séance de méditation me remettra en connection avec mon corps (défendant et douloureux). Puis j’en profite pour m’activer gentiment sur les derniers préparatifs de mon projet : collage de bandes de colle sur mon matelas gonflable pour minimiser la partie de toboggan dans mes futurs bivouacs en pente, tests vidéo, achat des billets de train pour aller à Lausanne et du billet du ferry, pesage du savon (50g). Reste la question existentielle de savoir si je prends un parapluie… ou pas.

Le départ approche et j’ai du mal à qualifier mes sentiments. L’excitation, bien que présente, n’est pas le sentiment prédominant. Peut-être un mélange de sérénité de part le nombre d’heures passées à préparer ce projet, et un peu de mélancolie aussi. Peut-être due à la longue séparation avec la famille que cette aventure impose, ou le fait de passer à une nouvelle phase. Cela me rappelle ce que je ressentais quand je réussissais brillamment mes examens à la fac après avoir travaillé comme un fou. Je ne cherche pas trop à comprendre et accueille ces sentiments pour ce qu’ils sont. Le lâcher-prise sera une part essentiel de mon périple, autant commencer tout de suite.

Le départ approche… C’est un fait.

Une aventure consiste à aller d’un bivouac à l’autre de la manière la plus difficile possible.

Sylvain Tesson

🎶 Society 🎶

Mon dos va de mieux en mieux. Je réponds bien aux inflammatoires et même s’ils m’assomment un peu et me donnent l’envie de dormir, je bénis le chimiste qui a inventé le kétoprofène. Couplés aux étirements que je fais régulièrement dans la journée, l’amélioration est vraiment sensible.

En l’absence du reste de la famille, le silence qui règne dans la maison est propice à une fructueuse introspection et à me reconnecter également avec la nature. Je me suis aperçu écouter consciemment les bruits du jardin, les oiseaux qui chantent, le vent dans les branches, le vol des insectes. Cet état d’esprit m’aide à comprendre le sentiment qui m’habite à quelques jours de mon départ.

Ce sentiment, que j’avais du mal à caractériser, n’est pas vraiment de l’excitation, mais plutôt une sorte de sérénité, déterminée et paisible, malgré le défi (les défis ?) qui m’attendent dans cette aventure. Et ils sont nombreux, potentialisés de surcroit par la solitude inhérente à ma démarche.

C’est qu’en réalité, je ne pars pas en trek.

Je pars en pèlerinage.

Aujourd’hui, J-1 avant le grand départ.

Et mon dos ne me fait plus souffrir ! Vive les médicaments :-)

La journée commence avec le petit déjeuner face au Mont Blanc qui réapparaît enfin après des jours d’orage et de pluie. Comme un clin d’œil à l’humble vagabond que je deviendrai demain.

Derniers préparatifs…

Coupe des comprimés de dentifrice

Tout le matériel

Le sac est prêt, la nourriture a été repartie dans les sacs congélation. Je ne fais clairement pas le malin et je pense que la nuit va être longue… mélange d’excitation et d’appréhension. Je vais quand même essayer de dormir un peu.

Lever demain à 6h.

1
Nyon

Très mal dormi. Pas étonnant vu le défi qui se présente devant moi aujourd’hui. Et puis c’est comme d’habitude au final, comme avant chaque départ de trek.

Florine et Thibault viennent de me déposer à Nyon. Je suis dans le train et commence à réfléchir, à méditer peut être. L’angoisse est toujours là. Mais l’angoisse de quoi au final ? De ne pas être à la hauteur ? De décevoir famille, amis, moi-même ?

S’imprégner de mon aventure et lâcher prise rapidement. Regarder devant et profiter de l’instant présent.

2
Lausanne Ouchy

La croisière s’amuserait presque. J’embarque pour St Gingolph sur un bateau historique.

En approche de St Gingolph

3
Départ GR5 et Via Rhôna

Départ de St Gingolph. Il n’y a plus qu’à.

Il y en a qui ne manque pas d’humour. Il vaut mieux ne pas trop réfléchir.

4
Le col de bise

Montée au col de Bise que je ferai en 3.30 au lieu de 5.00. La forme est encore là.

Dernier clin d’œil au Lac Léman.

Arrivée au col de Bise.

5
Le col de bise

Après une petite pause aux chalets de Bise, dure remontée pour le pas de la Bosse avant de redescendre sur La Chapelle d’Abondance.

Chalets de Bise

Arrivée au Pas de la Bosse

Descente sur La Chapelle d’Abondance.

6
46 D22, 74360 La Chapelle-d'Abondance, France

Je suis parti ce matin avec l’angoisse habituelle inhérente à ce genre d’aventures, pour moi du moins. La traversée en bateau m’a permis de me recentrer un peu avant le grand, vrai départ du GR5 sur lequel, comme tant d’autres, j’ai posé mes pieds.

Les muscles se délient progressivement dans la montée qui m’emmène au col de Bise. Je double trois randonneurs partis en même temps que moi. Le temps est beau, il fait chaud mais pas trop. Comme d’habitude, j’ai décidé de ne m’arrêter qu’une fois le col atteint. Ce que je ferai au bout de 3.30 au lieu de 5h.

L’effort m’évite de trop réfléchir. Mais les pensées l’assaillent tout de même. Sacré mélange d’émotion et je ne sais sur lesquelles me focaliser. La montée et les paysages sont grandioses. Mais je ne peux m’empêcher de penser que je suis… seul. Ni femme, ni enfants, ni amis pour partager cette expérience avec moi. Le plus dur est quand je croise des couples, ou des amis qui partagent un bon moment, rigolent entre eux, ne m’adressant au mieux qu’un coup d’œil désintéressé.

L’apothéose sera en arrivant à La Chapelle d’Abondance où, l’année dernière encore, nous avions passé une semaine tous ensemble sans réaliser totalement le bonheur que représentait la famille réunie.

La pluie et l’orage sont annoncés ce soir. Couplé à la nuit épuisante que j’ai passée, la grosse étape de la journée, le fait que je n’ai pratiquement rien mangé de la journée (écoeuré je fus), et le moral fluctuant, j’ai décidé de dormir en dur ce soir. L’idée est de bien récupérer pour enchaîner une belle étape demain.

Pas de regret. La pluie a commencé à tomber vers 18h et l’orage à tonner vers 20h. Alors même que le plus fort de l’orage est annoncé pour minuit…. C’est clair que je vais mieux dormir ici que dans mon (même super) abri.

Bilan de la journée

Départ : St Gingolph à 10.30

Arrivée : Chapelle d’Abondance à 17.00

Météo : ☀️

D+ : 1860m

D- : 1200m

Altitude max : 1930m

Distance : 17km

Cols : Col de Bise, Pas de la Bosse

Hébergement : hôtel ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

7
Unnamed Road, 74360 La Chapelle-d'Abondance, France

Après une bonne nuit réparatrice, je me lance dans cette journée où l’objectif est de doubler les étapes. Ma cible est le col de Golèse.

Je quitte Chapelle d’Abondance sous le brouillard. J’ai vraiment bien fait d’avoir dormi à l’hôtel ce qui m’a permis d’éviter l’orage et de bien dormir.

En route vers le refuge de Trébentaz

8
Refuge de Trébentaz

Refuge de Trébentaz atteint vers 9h.

9
Col de Bassachaux

J’atteins le col de Bassachaux après une montée humide dans les marécages. Je boirai un bon coca réparateur qui va devenir ma boisson préférée !

10
Refuge de Chésery - Lac Vert

Col de Chésery où je prendrai mon déjeuner jusqu’à 13h.

Refuge de Chésery

Le lac vert

11
Col de Cou

Longue montée pénible jusqu’au col de Coux. Les nuages bloquent la vue sur les Dents Blanches. Ce passage me rappelle la magnifique aventure avec Dejan, il y a deux ans déjà.

12
Refuge de la Golèse

Arrivée au col de la Golèse où je profiterai de la cuisine du refuge (après mon coca).

Je me suis réveillé avec un bien meilleur moral qu’hier. Le temps était très brumeux dans les premières montées. J’avais un bon rythme et progressais bien. Le col de Bassachaux est toujours une galère à passer à cause de tous les marécages. Un petit raidillon jusqu’au col de Chésery et voilà l’étape 1 bouclée. Beaucoup de monde et de vélos sur les pistes au dessus de Châtel, il me tardait de quitter cet endroit.

Toujours très peu d’appétit ce midi. Le chocolat passe bien, mais j’ai vraiment du mal avec le saucisson et le fromage… Je me force malgré tout car sans énergie, je sais que je devrais payer l’addition à un moment ou à un autre.

La remontée au col de Coux se fait sans difficulté. Tant pis, je ne verrai pas les Dents Blanches car cachées par les nuages. Du col de Coux, je file vers la Golèse que je rejoindrai 1h30 plus tard. J’ai eu un bon rythme aujourd’hui. J’ai bien géré mon eau mais mon manque d’appétit le midi m’inquiète un peu.

Arrivée à la Golèse, je fais connaissance avec un autre campeur très intrigué par mon équipement léger. La conversation entre passionnés s’engage.

À table, je ferai connaissance avec un OPJ de gendarmerie avec lequel je me plairai à échanger sur tout un tas de sujet, de la randonnée, à la vaccination, en passant par les dégâts du travail à la maison, à la politique en général. Un homme charmant, élégant, à l’intelligence affûtée et posée.

Je dors dehors ce soir, bercé par le concert de cloches des vaches alentour…

Bilan de la journée

Départ : Chapelle d’Abondance à 06.30

Arrivée : Refuge de la Golèse à 17.15

Météo : 🌫☁️☀️

D+ : 2400 m

D- : 1700 m

Distance : 35km

Cols : Col de Bassachaux, Col de Chésery, Col de Coux, Col de la Golèse

Hébergement : bivouac ⭐️⭐️⭐️

13
Église de Les Allamands

Parti du refuge de la Golèse où je n’ai pas trop mal dormi à 6.30… Comme d’habitude. La descente vers Samoens est longue mais au final, pas trop pénible.

Lever de soleil sur le refuge de Golèse

Chapelle des Allamands

J’arriverai à Samoens à 9h où je profiterai d’un café en terrasse avec un jus d’oranges pressées. Après avoir acheté quelques fruits, je repars.

En route vers les Tines.

Les Gorges des Tines ne m’impressionnent pas tant que cela. Peut être que le monde inhibait ma vision du tableau qui s’offrait à moi. Le passage avec les câbles était rigolo. Le Gifre en revanche était en furie et j’ai beaucoup aimé les chemins forestiers et le sentier plat le long de la rivière.

J’ai sourît en croisant les collègues de Rose-May du Club Med avec leurs jolis tee-shirts oranges et le buffet préparé pour récompenser les 500m fait par les GM.

Cascade du Rouget sous le Lignon. Blindé de monde y compris de bikers en Harley.

Vite. S’enfuir vers le refuge des Fonts…

J’ai un peu hésité à prendre cette variante recommandée par ma douce et tendre. La montée est pénible, raison de plus pour aller vite. Il fait chaud et je souffre un peu. Bon, je mets quand même 1h à peine au lieu d’1h30.

Le chemin pour rejoindre le petit col d’Anterne est superbe. Montée raide ou j’en bave un peu. Je comprendrai après pourquoi vu la vitesse à laquelle j’ai gravit ce col.

Quelques névés me barrent le passage mais rien de bien méchant au final. J’atteins le petit col et me réjouis d’être si seul avec ce paysage grandiose. J’aurai ainsi évité la foule qui monte au refuge Alfred Wills.

Je continue vers le lac d’Anterne. La neige est bien présente ainsi que l’humidité. Les nuages commencent par se faire menaçants…

14
Refuge Moëde Anterne

La montée au col d’Anterne est motivée pour rejoindre le refuge éponyme. En effet, le temps se dégrade fortement et je souhaite dormir à côté d’un refuge.

Je sortirai mes crampons pour passer quelques névés : quitte à les porter, autant s’en servir.

J´arrive au refuge d’Anterne où l’on m’annonce qu’il n’y a plus de place. Pas le choix, je vais donc dormir sous tente.

Je prendrai tout de même le dîner au refuge où je déjeunerai à côté de deux étudiants… de Gex et Prévessins ! Pour leur toute première randonnée. Ils ont choisi le tour des Fitz, sous tente (avec des conditions météo difficiles) et un âne (alors qu’il y a de la neige…). C’est sûr qu’ils s’en souviendront !

Espérons que cela ira, mais les prévisions de demain sont vraiment très mauvaises. Très très mauvaises…

J’écris alors que la pluie tombe sur la tente.

Bilan de la journée

Départ : Col de la Golèse

Arrivée : Refuge de Maud d’Anterne

Météo : ☁️⛈

D+ : 1800 m

D- : 1500 m

Distance :

Cols : Petit col d’Anterne, Col d’Anterne

Hébergement : bivouac ⭐️ (tempête toute la nuit)

15
Les Houches

Nuit horrible à cause de la tempête qui a fait rage toute la nuit. L’abri a très bien résisté, mais la violence des éléments était impressionnante. Il a plu toute la nuit et le sol était complètement imbibé. Impossible de dormir. Parfois des projections de condensation atterrissaient sur le duvet ou mon visage. A 4h, l’envie de faire pipi s’est résolue en urinant dans la gamelle, impossible de sortir de l’abri.

Au réveil, je prends le petit-déjeuner au refuge et dois revoir mon itinéraire : impossible en effet de passer par le Brevent à cause du très mauvais temps. Je choisis de redescendre par Servoz, via les chalets de Promenaz. La pluie a été à l’origine d’une ambiance magique, pas franchement désagréable.

Pour rejoindre les Houches, je fais une erreur d’itinéraire et me retrouve à gravir une pente… très très pentue. Mais cette erreur me fait découvrir des clairières oniriques. Même s’il pleut, l’ambiance est vraiment intéressante. J’arriverai aux Houches à 13h où je mangerai et trouverai une petite chambre pour la nuit.

Petit coup au moral en regardant la météo et toutes mes affaires bien mouillées. Il faut se remotiver urgemment pour ne pas jeter l’éponge trop vite. Des coups de fils à la famille m’aideront à retrouver le sourire. Départ pour les Contamines demain matin.

Bilan de la journée

Départ : Refuge Moede d’Anterne

Arrivée : Les Houches

Météo : 🌧

D+ : \240m

D- : \240m

Distance :

Cols :

Hébergement : R b&b ⭐️⭐️⭐️⭐️

16
Les Houches

Parti ce matin dès Houches après une bonne nuit réparatrice. C’est le réveil qui m’a tiré de mon sommeil à 6h !

Le temps est très nuageux mais pas de pluie ! Par prudence, je vais suivre le GR5 classique plutôt que prendre la variante passant par le col de Tricot.

Les Houches

17
Col de Voza

Montée au col de la Voza

Les nuages offrent des payasages dramatiquement beaux…

Col de la Voza

En descendant vers les Contamines

La ferme natale du découvreur de Neptune ! Rien que cela…

Et moi qui pensait que les cairns ne poussaient pas… il suffit de bien arroser…

18
Parking Bionnassay Mont Blanc

Pour rejoindre les Contamines, le chemin passe par la voie historique et classique du Mont-Blanc.

19
3782 Route de Notre Dame de la Gorge, 74170 Les Contamines-Montjoie, France

En montant vers le refuge de Nant Blanc et de la Balme.

Pont romain

20
Bivouac La Balme

Parti des Houches à 7.20 après une très bonne nuit dans mon hôtel. J’ai roupillé… c’est le réveil qui m’a tiré du lit à 6.00.

Après avoir acheté mon petit sandwich et mes viennoiseries, je pars vers le col de la Voza et les Contamines. La bonne nuit de sommeil m’a fait du bien. Bien que le temps soit couvert, pas de pluie ce matin et le moral est de retour. Youpi.

Montée vers le col sans souci, hormis le paysage caché par les nuages. Je chemine tranquillement, mais d’un bon pas tout de même, vers les Contamines. J’en profiterai pour me racheter des guêtres car mes chinoiseries n’auront pas tenu longtemps. Et j’aime bien ces petites guêtres qui évitent à la merdasse de rentrer dans les chaussures.

Petit sandwich et fruits avalés derrière l’église, je rejoins une petite crêperie pour déguster une crêpe au chocolat (miam) avec mon café.

Je retourne ensuite à l’église pour méditer un peu avant le départ pour mon dernier tronçon vers le refuge de Balme. Cette montée se fera en douceur et me voici arrivé a 15.20 au refuge ! Toujours en avance, comme d’habitude.

Je décide de monter vite la tente avant que la pluie revienne. Je commence à avoir le coup de main et tout le bivouac est installé rapidement ce qui me permettra de faire une bonne sieste. Je rejoins ensuite le refuge pour un bon thé chaud, m’inscrire pour le repas et commander le pique-nique de demain. Et qui je retrouve ici ? Jean-Baptiste, le jeune randonneur avec qui j’avais affronté la tempête du refuge de Moede d’Anterne ! Un peu volubile, il parle beaucoup et sa joie de vivre fait plaisir à voir. J’apprendrai plus tard qu’il se balade avec un sac de trente kilos… il me présente à Hubert, un randonneur d’une petite cinquantaine, très sympa également. Fort sympathique, ce dernier me propose de faire la journée de demain ensemble, ce que je décline. Si je veux pouvoir rejoindre ma guide, il faut que je fasse des grosses étapes et ne peux me permettre cette option. Peut être après ?

Je commence à ressentir la magie du sentier (malgré les mauvais temps…). Je me sens bien et commence à lâcher prise. Les habitudes sont prises, la routine, le rythme aussi. Et comme toujours, l’impression - déjà - d’être parti il y a une éternité.

À quoi pense-t-on quand on marche ainsi ? C’est curieux. Nous avons tous notre réponse en nous et nous n’abordons jamais ce sujet entre trekkeurs. Mais tout le monde sait. Et se comprend.

À l’heure où j’écris, la pluie arrose copieusement mon abri. Je suis bien au chaud dans mon duvet et espère simplement que demain matin, je n’aurai pas à remballer sous la pluie.

Et quand bien même, en fait ?

Bilan de la journée

Départ : Les Houches

Arrivée : Refuge de la Balme

Météo : ☁️⛈ (très peu d’une petite pluie fine en fin de journée. Totalement gérable)

D+ : 1600 m

D- : 900 m

Distance :

Cols : Col de la Voza

Hébergement : bivouac ⭐️⭐️⭐️ (pluie mais plutôt bien. Installé à côté du refuge de la Balme)

Je l’ai passé !

C’est la première réflexion qui m’est venue lorsque je suis arrivé au Col du Bonhomme.

Parti à 6.30 du refuge de Balme où j’ai bivouaqué. Il n’a pas arrêté, et il n’arrêtera pas de pleuvoir, depuis 20h la veille. Encore une fois, je me prépare et m’apprête à plier la tente sous une pluie torrentielle. Encore une fois, j’ai du pisser dans la popote en pleine nuit car impossible de sortir. Encore une fois, je remets mes chaussettes et chaussures qui sont trempées pour partir marcher toute la journée.

L’ascension du col se fait sous une pluie intermittente et un vent froid.. Les chemins, gorgés d’eau, sont soit transformés en torrent quand ils sont en pierre, soit en bourbier terriblement glissants quand ils sont en terre, soit en espèce de pâte traîtresse et fuyante lorsqu’ils sont en schiste.

Il fait froid. Je prends une rapide photo souvenir et file vers le refuge de La Croix du Bonhomme où il ne fait qu’un degré. J’ai du mal à enfiler des vêtements chauds sur ma peau mouillée… Descendre est mon unique objectif.

Col du Bonhomme

Refuge de La Croix du Bonhomme

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Le Refuge de La Balme - Tarentaise

Je redescends aussi vite que je peux malgré les conditions. Surtout, ne pas tomber. Surtout, ne pas se refroidir. Je papote en cours de chemin avec un berger. J’aime les bergers. Nous partageons cet amour de la montagne en solitaire.

J’attaque ensuite ma route vers le col des Grands Fonts. 2672m. Une folie vue les conditions. Le vallon est magnifique mais le dénivelé, les torrents déchaînés, les fausses traces, les névés immenses, la morne solitude dans un paysage austère et brumeux, l’eau sur ma tête, dans mon sac, dans et sous mes chaussures, m’empêchent de l’apprécier à sa juste valeur. En fin d’ascension, le jour blanc. Je prie pour que la batterie de mon téléphone tienne : c’est lui qui me guide, mon gps, ma bouée de survie, mon unique chance. Ascension interminable du dernier névé pour atteindre le col avant de replonger, aussitôt, de l’autre côté vers le refuge salvateur de Presset. Six heures que je marche sans pause, sans manger, en buvant à peine, effets secondaires d’une pluie qui mine le moral depuis des jours.

Au refuge, je fais connaissance avec Armel, une randonneuse qui parcourt aussi le GR5. Nous descendrons ensemble vers Valezan à travers des chemins toujours extrêmement boueux, parfois ponctués de bouse de vache, qui rendent la glissade une option non envisageable.

Au refuge de Balme, la Pierra Menta restera prude et voilée à notre regard.

22
Auberge Le Valezan

À Valezan, découverte fortuite d’une auberge-refuge salvatrice, notre oasis pour la nuit. Nous y retrouverons d’autres trekkers avec lesquels je ferai connaissance. Toutes nos discussions tournent autour de la météo horrible qui nous poursuit depuis plusieurs jours. Pour ma part, j’échange avec Rose-May qui pourrait venir me chercher. Je suis très balancé, mais décide au final de ne pas changer mes plans et de poursuivre ma quête, obstiné. Couché tardif à 22h après avoir préparé mes affaires pour me lever tôt demain.

Bilan de la journée

Départ : Refuge de Balme

Arrivée : \240Valezan

Météo : ☁️⛈ (pluie toute la journée parfois battante, température froide)

D+ : 1800 m

D- : 2300 m

Distance :

Cols : Col du Bonhomme, refuge de La Croix du Bonhomme, Col des Grands Fonts

Hébergement : auberge refuge de Valezan ⭐️⭐️⭐️⭐️ (dortoirs confortables et sanitaires remarquablement propres)

23
Peisey-Nancroix

Départ de Valezan après m’être réveillé à 5h. Je jette un coup d’œil à la fenêtre et manque de tomber à la renverse devant le déluge que je vois ! La tente s’est égouttée, mais est mouillée de part la condensation du brouillard. C’est terriblement déprimant, mais je ne lache rien et prépare en silence mon sac pour ne pas réveiller mes collègues qui dorment encore dans le dortoir.

La montée à Pesey Nancroix est longue, fatigante et n’en finit pas.

Église Saint Michel rencontrée en chemin, cela ne peut que me porter chance…

Les nuages finissent par se déchirer de temps en temps, laissant apercevoir le paysage. Et donnant quelque espoir que ce cauchemar prenne enfin fin.

Pause culturelle : ancien site minier

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Hameau des, 73210 Peisey-Nancroix, France

La montée continue vers le refuge du Rosuet. Il ne peut plus et ça fait du bien : l’espoir renaît !

Je profite du refuge pour une pause gourmande et ne pas me laisser abattre ! Les affaires trempées sécheront sur le mobilier du refuge pendant que je fais la fête à cette belle assiette. Je garde un œil sur le ciel car la météo est toujours menaçante malgré tout.

Le Rosuet vu du chemin menant au col du Palet.

25
Refuge du Col du Palet

Le chemin continue vers le col du Palet. La pluie joue avec les nerfs, s’arrêtant, revenant, obligeant à adapter les vêtements en permanence. Toutefois, les nuages ont le bon goût de s’élever, laissant apparaître des paysages somptueux.

Pas si malheureux au final

Refuge d’Entre les Lacs

Refuge du Col de Palet

Dans la montée, je croise un groupe de quatre randonneuses chargées comme des mulets. Nous ferons plus ample connaissance au refuge où j’apprendrai qu’elles viennent toutes du monde de la Pharma.

L’accueil est vraiment top dans ce refuge et les pâtisseries succulentes ; je le quitte avec regret mais la route n’est pas finie pour aujourd’hui.

26
Hôtel Tignes le Lac

La descente du col du Palet se fait sans ambages. Le ciel est toujours très chargé mais c’est devenu une habitude…

Vue du col du Palet

Question existentielle : dois-je chercher un logement à Val Ferret ou bien à Tignes le Lac ? Cette dernière me semble de loin plus active et je file vers cette station en « admirant » l’excellent travail des hommes pour saccager les plus beaux paysages…

Val Ferret. Le site en construction est un futur Club Med’.

Tignes le Lac

Si, si, le golf est un sport à risque on vous dit…

Je trouve très rapidement une chambre dans un petit hôtel. Je ne profiterai pas de la gastronomie locale, histoire de me reposer au maximum, et cuisinerai dans mon refuge d’un soir.

La vue de ma chambre est à tomber par terre, en revanche…

… celle dans ma chambre aussi…

Journée très longue, mais au final très agréable. La pluie n’a jamais été vraiment présente et j’ai même pu voir du ciel bleu par moment. Belles rencontres d’un couple de MULs et d’étudiantes en treks de quelques jours.

Hôtel sans chichi à Tignes le Lac mais confortable.

Hâte de rejoindre Rose-May demain….

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Hôtel Lo Terrachu

Bilan de la journée

Départ : Valezan

Arrivée : Tignes le lac

Météo : ☁️⛅️ (journée certes nuageuse mais au final agréable)

D+ : 2000 m

D- : 1200 m

Distance :

Cols : Col du Palet

Hébergement : Hôtel ⭐️⭐️⭐️

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Val Claret

Aujourd’hui sera une belle journée. Une magnifique journée. Déjà parce qu’il va faire très beau. Ensuite, parce que mon itinéraire sera magique. Mais surtout, parce que je vais la revoir, mon étoile, celle qui m’éclaire, me guide, me réchauffe, me soutient.

En effet, mes étapes de géant vont m’avoir permis de réaliser la connection que je souhaitais avec Rose-May durant son trek dans la Vanoise. La jonction doit se faire sur le sentier qui mène à l’Arpont, à un jet de pierre du refuge de Plan Sec où notre rencontre il y a 25 ans aura, pour toujours, changer le cours de nos vies.. Et là encore, nous arriverons chacun de notre côté, par nos propres chemins. Là encore, la montagne sera le catalyseur de nos sourires, \240de nos regards silencieux, car tout mot devient dès lors inutile.

Cette belle journée commence à 5h en me réveillant à l’hôtel de Tignes le Lac. Je prépare tout mon sac et décolle à 5h45 pour le col de la Leisse. Je laisse Tignes le Lac derrière moi avec un sentiment mitigé. L’impression d’un saccage bétonné et bétoneux de la montagne, et l’étrange sentiment de m’y être senti bien, malgré tout. Peut-être \240est-ce juste dû à la bonne nuit que j’ai passée.

Mon tendon d’Achille gauche me lance un peu et m’inquiète. Je démarre doucement et quitte la ville endormie en étant attentif à mes douleurs éventuelles.

En route vers le col de la Leisse. Le jour se lève et le temps promet d’être magnifique. En revanche, il fait bien froid et comme à l’accoutumée, je monte d’un bon pas pour ne pas me refroidir.

Le col dépasse les 2700m et je vais rapidement rencontrer de la neige très dure. Je me gaffe au maximum d’autant que l’accès au col est loin d’être évident. Une vraie souricière. Les payasages et l’ambiance n’en sont pas moins magnifiques.

Col de la Leisse

29
Col de la Leisse

Du col de la Leisse, je regarde - affligé - le triste et pathétique spectacle des skieurs sur la pauvre Grande Motte. Réaliser que skier au mois de juillet est perçu par certains comme le luxe ultime des congés me montrent le décalage existant entre les priorités de certains de mes contemporains, et les miennes. L’environnement a décidément du souci à se faire. Ou plutôt, l’humanité et sa survie.

La descente dans le vallon de la Leisse est absolument magnifique, magique. Les paysages superbes, servis par un grand beau temps. Je ne m’en lasserai pas…

Refuge de la Leisse

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Pont de Croé Vie

Je retrouve enfin ma douce et son groupe de clients. Bien sûr, une certaine retenue est nécessaire devant les clients, mais je suis fou de joie de la retrouver après ces quelques semaines sans elle. Et en plus, au milieu des montagnes.

Très vite, je m’intègre au petit groupe de clients fort sympathiques. En route vers l’Arpont, nous croiserons marmottes et bouquetins. D’où l’avantage de randonner avec un guide ! Je suis tellement fier de la voir ainsi rayonnante, conduire son petit groupe en mêlant autorité bienveillante, passion de transmettre, amour sincère et véritable pour son environnement de prédilection qui est en réalité une part d’elle même.

Refuge du Plan du lac dans la brume

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Refuge de l'Arpont

Arrivée à l’Arpont, nous goûtons sans gourmandise l’accueil déplorable des gardiens. Nous avons vraiment l’impression de les ennuyer, tant leur manque d’empressement à servir ou à échanger un peu est évident. Regrettable pour un refuge incontournable sur le tour des glaciers de la Vanoise.

Je récupère un peu grâce à une bonne sieste. Soirée vraiment sympa avec les clients de Rose-May et d’autres randonneurs. Le fait que nous nous côtoyons pour un moment éphémère facilite sans nul doute la capacité à nouer des échanges.

J’écris ce journal avant de sombrer dans un sommeil réparateur, à quelques décimètres de ma Belle qui dort presque déjà.

Et je suis heureux.

Bilan de la journée

Départ : Tignes le lac

Arrivée : refuge de l’Arpont

Météo : ☀️

D+ : 1400 m

D- : 1100 m

Distance :

Cols : col de la Leisse

Hébergement : refuge de l’Arpont ⭐️⭐️⭐️ (accueil et organisation vraiment naze mais commodites et repas ok)

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Refuge de l'Arpont

Cette journée a été une nouvelle fois magique, inoubliable, à de nombreux points de vue…

Nous nous réveillons sur les coups de six heures pour aller déjeuner. Le moral est au plus haut, tout comme le baromètre qui annonce un temps splendide. Le petit groupe est très efficace dans sa préparation et c’est sans regret (malheureusement) que nous quittons le refuge de l’Arpont aux alentours de huit heures. Direction : le refuge du Fond d’Aussois, soit une belle étape de sept heures.

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Unnamed Road, 73500 Val-Cenis, France

Tout le groupe chemine d’un bon pas, entraîné par une guide dynamique. Les muscles se délient, et il faut un nécessaire \240moment pour retrouver sa souplesse et son équilibre.

De mon côté, un sourire béat raye mon visage. Je suis profondément (et simplement) heureux d’être là, de partager cette belle journee avec Rose-May, dans ce cadre qui a vu nos vies prendrent une nouvelle direction, il y a 25 ans.

Les payasages sublimes défilent et c’est dans des échanges complices que nous reviennent sur les lèvres les noms des beaux sommets gravis ensemble ou qui ont tout simplement accompagnés nos divers exploits alpins de leur majestueuse présence : Albaron, Charbonnel, Grande Motte, Grande Casse, Pointe Mathews, Pointe de Ronce, la Dent Parachée.

La Grande Casse

La Dent Parachée

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Unnamed Road, 73500 Val-Cenis, France

En partant du refuge ce matin, j’avais donné pour défit à Rose-May de compléter la liste des animaux et fleurs emblématiques des Alpes. Après bouquetins et marmottes vus hier, un gypaète barbu aurait été bienvenu.

L’avantage avec une guide consciencieuse est qu’elle fera tout pour vous donner le sourire. Tu veux un gypaète ? Et bien voilà le gypaète !

En effet, à la faveur d’une pause grignotage, le gypaète va décoller d’un pierrier juste derrière nous pour nous survoler à plusieurs reprises. Le spectacle est sublime et durera plusieurs minutes avec ce maître des cimes à la tête de feu passant et repassant au dessus de nos yeux incrédules !… et pourtant, pas de doute, c’était bien lui.

Plus tard dans la journée, suivront le vautour fauve et l’aigle royal.

Il n’y a qu’à demander je vous dis…

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Unnamed Road, 73500 Val-Cenis, France

Après le spectacle aérien, nous continuons notre progression sur un bon sentier. La chaleur est bien présente, sans être encore écrasante. Faire juste un peu attention à l’eau et tout ira bien.

Pause de midi. Rose-May trouve un replat au panorama splendide et constellé d’édelweiss ! Il y en a partout et nous devons vraiment être prudents pour ne pas les écraser.

En repartant, une vue splendide sur les Écrins nous gâte encore les yeux.

Dent Parachée dont l’arête faîtière reveille nos souvenirs d’alpinistes.

Au fond, les Écrins et le Pelvoux

Edelweiss

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Refuge du Plan Sec

Le chemin continue et c’est avec beaucoup d’émotion (intériorisée) que je vois notre petit groupe se diriger vers le refuge de Plan Sec. Avec Rose-May, nous ne disons rien, car il n’est besoin de rien dire. Nos regards se croisent plusieurs fois. Nous sommes émus et tellement heureux de venir rendre un hommage modeste à cet endroit, si précieux dans nos cœurs, si important dans nos vies.

Le 4 juillet 1996, l’orage dantesque qui s’annonce m’oblige à renoncer au premier bivouac que je comptais faire durant mon tour des glaciers de la Vanoise. A défaut de pouvoir être \240seul face à moi même, ce qui était la pierre angulaire de ce trek, me voici contraint de rejoindre un refuge pour passer la nuit… Plan sec ?… ou Dent Parachée ?… cela sera Plan sec ! Pourquoi ? Je n’en ai toujours aucune idée. La seule chose dont je suis intimement convaincu est que ce choix n’a pas été guidé par le hasard mais plutôt \240par un ange gardien bienveillant. Car ce choix, ce petit choix au moment de le prendre, a permis la rencontre et fusion du destin de deux vies jusqu’alors totalement inconsciente de l’existence de l’autre. Le 4 juillet 1996, nous nous rencontrions avec Rose-May pour ne plus jamais nous quitter. C’était il y a 25 ans, pratiquement jour pour jour.

Nous nous retrouvons pour repenser à ce merveilleux moment et à tous ceux qui en ont découlé. Nous avons une chance inouïe dans notre vie, conscient que le bonheur qui nous irradie est un palais fragile qu’il faut régulièrement entretenir afin d’en maintenir les fondations solides.

37
Refuge du Fond d'Aussois

Nous continuons notre progression vers le fond d’Aussois. Le petit groupe est fatigué et accélère le pas afin de profiter d’un repos, d’une bonne boisson et d’une douche bien mérités !

Accueil généreux \240des gardiens qui augure d’une très belle soirée, d’autant que le gardien - conscient de notre situation de couple migrateur - nous a octroyé un dortoir rien que pour nous deux. Opportunité exceptionnelle qui permit à Rose-May… de s’endormir aussitôt couchée, vaincue, terrassée par les sirènes du sommeil du juste.

Refuge du Fond d’Aussois

Bilan de la journée

Départ : refuge de l’Arpont

Arrivée : refuge du fond d’Aussois

Météo : ☀️

D+ : 800 m

D- : 700 m

Distance :

Cols :

Hébergement : refuge ⭐️⭐️⭐️⭐️ accueil et commodités super

38
Gîte des Tavernes

La nuit fut extrêmement réparatrice. Nous avons profité des commodités du refuge pour bien récupérer. Je me prépare vite, conscient de la grosse journée devant moi car j’aimerai rallier le Thabor. Ambitieux, mais faisable.

Je quitte Rose-May après les derniers câlins et au revoir à sa sympathique équipe de clients.

Malgré la séparation après cette journée passée ensemble, j’ai le cœur léger. Et c’est avec un sourire béat issu du souvenir de ces bons moments passés ensemble que j’aborde le sentier menant au col du Barbier. Pas de doute en effet, même si elle n’est pas physiquement avec moi, je sais, je sens désormais son réel soutien dans mon périple et tout son amour.

Le chemin vers le col du Barbier au dessus des deux barrages est vraiment joli. Au col, je discute avec une famille de bergers qui sont là pour une dizaine de jours. Et quelques mètres plus loin, un gentil monsieur, aussi bavard qu’interessant, m’accorde la moitié d’une heure de son temps pour papoter. J’apprends notamment qu’il a retapé son petit chalet d’alpage dans les années 70 et que cela a requis le transport de vingt tonnes de matériau divers. Il attend l’heliportage de bois d’un instant à l’autre. Le coût est de 100€ pour 700kg sur 1200m de dénivelé. J’enregistre tout car sait on jamais, cela pourrait servir un jour.

Le chemin se poursuit vers l’Orgère que je vais toutefois contourner pour descendre sur Modane au plus vite. Il fait très chaud mais la descente dans la forêt n’est pas désagréable, bien qu’un peu raide. Je m’arrête un quart d’heure avant d’atteindre Modane pour pique-niquer à l’ombre d’un grand pin.

J’atteins Modane à 13h et là, c’est le choc ! Après toutes ces journées en montagne, que c’est gris, moche et désert. Très loin du souvenir que j’en avais… non seulement il n’y a aucun commerçant, mais tout est fermé et ne rouvre au plus tôt qu’à deux heures. Je décide de mettre ce temps à profit pour rejoindre Fourneaux qui, dans mon souvenir, avait bien plus de commerçants.

Sur ma route, je croise une autre randonneuse, Marie. La vingtaine, paumée (elle cherche son camping), elle entame cette randonnée sans aucune expérience, sans même savoir où elle va, et donc sans carte (logique). J’écoute avec bienveillance le discours passionnée de cette étudiante en philosophie, militante d’extrême-gauche, attirée par les arts divinatoires, très expansive et souriant continuellement mais manifestement perdue dans sa vie. Après les nécessaires emplettes dont j’avais besoin (nourriture et une nouvelle paire de chaussettes !), je la quitte alors qu’elle s’achetait un matelas de couchage (elle n’en avait pas !) tout en lui souhaitant sincèrement tout le meilleur pour le reste de son périple, et de sa vie qui m’a l’air bien compliquée.

J’attaque enfin la montée vers Val Fréjus sous une chaleur de gueux. Le chemin est raide et passe sous les pylônes du viaduc de l’autoroute. Heureusement, la suite se fait rapidement dans la forêt et même si la pente reste sévère, au moins elle est à l’ombre. Je me demande encore si je m’arrêterai à Val Fréjus ou si je pousserai jusqu’au Thabor….

Quant… à la faveur d’une pause, je réalise avoir perdu mes lunettes de soleil ! Catastrophe ! Dépité, je rebrousse chemin sur quelques centaines de mètres mais ne trouve rien. Je décide de sécuriser l’avenir en courant m’acheter une nouvelle paire à la station. Heureusement qu’un magasin était ouvert !

L’heure tourne et malgré la nouvelle paire en ma possession, je décide de rebrousser chemin encore plus loin, et redescend pratiquement jusqu’à Fourneaux… sans succès toutefois, nul doute que ma paire de lunettes a du faire un heureux de passage.

Allez… je dois apprendre à ne pas en faire un plat et passer à autre chose. Mais c’est qu’il est 17h maintenant et après deux aller-retours à Fourneaux, je commence à être un peu fatigué. Monter au Thabor resterait possible, mais j’entends la voix de Rose-May m’intimant de profiter et de ne pas courir, d’autant que l’orage menace sérieusement. \240Oui, tu as raison. Je vais donc bivouaquer à Val Fréjus, au gîte « les Tavernes »…

Et la, je découvre une pépite ! Un charmant gîte-refuge perdu au bout de la station. Caché dans les arbres, il offre une vue magnifique sur le paysage. Poules et pintades, potager bio, sauna et bain suédois, le tout face aux montagnes. Je campe sur un petit coin de bivouac et profiterai de l’excellente cuisine du gardien faite avec des produits locaux uniquement, ainsi que d’une douche bien chaude et des commodités de la salle hors-sac.

Bilan de la journée

Départ : Refuge du fond d’Aussois

Arrivée : Val Frejus

Météo : ☀️(chaud)

D+ : 1200 \240m

D- : 1900 \240m

Distance :

Cols : Col du Barbier

Hébergement : bivouac au gîte des Tavernes \240⭐️⭐️⭐️⭐️ accueil et commodités super

39
Col de la Vallée Étroite

Un es principal défit de ce genre d’aventures est dans vivre chaque moment en pleine conscience. Profiter de chaque minute, chaque paysage, chaque pas gagné à la gravité. Les images et les mots restent, mais qu’il est frustrant de réaliser que,, simplement quelques jours après, les souvenirs des précédentes étapes s’estompent déjà. Que restera t’il de cette aventure au final ? Des images, des sensations, des rencontres…

Bien entendu, faire un tel voyage implique une forte composante physique laquelle n’est rien cependant sans un mental fort. A quoi pense-t-on pendant que l’on marche ? Allez, je vous livre un secret : à la marche avant tout ! Il y a tellement de paramètres à considérer qu’en réalité , le temps passe vite et nous n’avons pas l’occasion de nous ennuyer : vérifier son itinéraire, faire attention où on pose chaque pas, bien s’hydrater, manger, où faire la pause du midi, où sera le prochain bivouac, mon prochain ravitaillement… et puis, s’il reste du temps, alors s’invitent des pensées vers la famille, les amis, les êtres aimés encore avec nous. Ou plus.

Le bivouac au gîte a été cahotique à cause de mon matelas gonflable qui s’est évertué à se prendre pour un bobsleigh toute la nuit… pas de doute, le terrain était en pente. Petit déjeuner dans la salle hors sac et c’est parti pour le col de la vallée étroite.

La montée est raide mais se fait très bien à la fraîche (6.45). La nature se réveille tout comme mes muscles et j’atteins le col vers 9h15. Je fais un crochet vers le refuge du Mont Thabor pour un petit encas gastronomique (tartelette aux noix), puis repart vers la Vallée étroite.

Fortifications militaires

Refuge du Mont Thabor

40
Les Granges de la Vallée Étroite

Depuis le col, je suis le chemin qui mène aux granges de la vallée étroite. Je fais connaissance de trois robustes randonneurs que je croiserai (avec plaisir) souvent durant cette journée (Pierre, Rémi, Adrien). Manquant d’expérience, ils souffrent visiblement sous leur gros sacs dans cette descente.

La vallée étroite est magnifique ! J’adore l’ambiance du torrent qui serpente entre les berges mousseuses, le vent dans les pins, le chemin… bref, gros coup de cœur. Même si un moment d’égarement a faillit me coûter une belle chute dans un torrent avec mon pied qui a glissé sur une pierre polie comme de la glace. Vous pouvez faire des milliers de pas tous les jours, mais il suffit d’un seul manqué pour que l’aventure s’arrête. Leçon à retenir pour le futur.

Aux granges de la vallée étroite, je me paye une salade le midi. En touchant ma cuisse, je m’aperçois avec horreur qu’une tique a trouvé ma cuisse musclée et bronzée tout à fait à son goût et a décidé d’y faire ripaille… l’occasion de tester mon nouveau tire tique qui fonctionne à merveille.

Sur le plan de la santé, tout ça d’ailleurs plutôt bien. Aujourd’hui, je n’ai aucune ampoule et n’ai eu à souffrir d’aucune conséquence fâcheuse sur les pieds après avoir marché des jours durant dans l’eau. Sur le plan cardiaque, j’ai fait face à une accélération du rythme même au repos dans les premiers jours. Je lets cela sur le compte soit de l’angoisse, soit d’un défaut de sel. Ce souci est désormais totalement résolu. Mon dos se rappelle de temps en temps gentiment à mon bon souvenir mais est totalement gérable. Enfin, sur le plan digestif, mon transit gère maintenant bien les fluctuations hydriques, ce qui n’était pas le cas au début (en gros, j’avais un peu la chiasse au début, mais c’est finit). Bref, après quelques raideurs matinales, le corps réagit plutôt bien aux 250 kms que je viens d’effectuer en montagne.

Ma tronche.

Les Granges de la Vallée Étroite.

41
Col des Thures

Après mon repas, je poursuis ma route vers mon second col de la journée, le col des Thures. La montée, raide au début, s’infléchit rapidement et devient franchement agréable.

Les paysages sont toujours aussi saisissants ; l’arrivée au col, très bucolique avec un immense pâturage orné d’un lac, contraste avec les falaises vertigineuses que nous voyions face à nous dans la montée.

Je retrouverai les trois compères croisés plus tôt qui ne lâchent rien et pique-niquent ici. Promis, si on se voit en bas, je leur offre une bière !

En revanche, le lieu n’est pas propice au bivouac par la présence de troupeaux ; je décide donc de filer vers Planpinet qui sera la dernière étape de ma journée.

42
Plampinet, 05100 Névache, France

Le col des Thures est un bel alpage agrément d’un lac. J’y retrouve mes trois compères avec qui je commence à nous des liens sympathiques.

Malheureu, je ne peux bivouaquer à cet endroit du fait de la présence de troupeaux. Je décide donc de pousser à Plampinet en passant par le col de l’échelle. La descente se fait bien malgré la chaleur. Arrivé en bas près de la route, la dernière portion est assez pénible dans des caillasses et anciens lit de torrent. La chaleur est toujours aussi écrasante…

J’arrive à Plampinet où je trouve le petit gîte étape pour planter ma tente. C’est un petit paradis avec vraiment de bonnes ondes. Je m’y sens très bien et en profiterai pour prendre une bonne douche, un excellent thé glacé maison et un bon repas chaud.

Mes trois compères finissent par arriver. Nous finirons par lier de solides liens autour de bière (pour eux), de tisane (pour moi). Rémi et Adrien ne se sentent pas vraiment en forme pour faire l’étape de 11 heures que Pierre leur a prévu le lendemain. Ils prendront donc le bus jusqu’à Briançon, tandis que moi, je ferai l’ascension du col de Dormiouze \240avec Pierre le lendemain matin.

La soirée se finit déraisonnablement tard, dans une merveilleuse ambiance.

Col des Thures

Descente sur Plampinet

Mon petit bivouac

Bilan de la journée

Départ : Val Frejus

Arrivée : Plampinet

Météo : ☀️(très chaud)

D+ : 1500 m

D- : 1600 m

Distance :

Cols : Col de la Vallée Étroite, Col des Thures, Col de l’Échelle

Hébergement : bivouac au gîte-étape à \240Plampinet ⭐️⭐️⭐️⭐️ accueil, cuisine et commodités super

43
Auberge La Cleida

Réveil aux aurores ce matin pour profiter des températures fraîches. Je me lève dans faire de bruit pour ranger mon matériel. Petit déjeuner rapide face aux montagnes.

Pierre, qui m’a entendu, se lève à son tour. C’est plein d’allant que nous quittons ensemble Plampinet pour le col de Dormillouse. Parti de Plampinet avec Pierre

La montée se fait d’abord dans la forêt puis les alpages. Parfois un peu raide, elle est néanmoins continue et se fait sur un bon sentier. Le paysage est magnifique et c’est au prix d’un dernier effort que nous arrivons au premier col.

La complicité passe bien entre Pierre et moi et une fois n’est pas coutume, j’apprécie de marcher avec ce trailer qui ne traîne pas.

44
Col de Dormillouse

Arrivés au col de la Lauze, le choix s’offre à nous de descendre sur Montgenèvre soit directement dans la combe, soit. Y’a les crêtes : ce sera les crêtes, bien entendu !les 200m de dénivelé supplémentaire ne sont pas chers payés pour le paysage qui s’offre à nous : une vue pratiquement à 360• sur le Thabor, la Vanoise, les Ecrins. Le temps est magnifique, la température parfaite et le paysage grandiose : que demandez de plus ?

Pierre semble heureux de faire cette partie aérienne avec moi, une partie qu’il n’aurait pas faite seul; quant à moi, je suis heureux de partager cette modeste ascension avec lui. Notre petit binôme fonctionne bien.

45
Chalvet

La descente sur Montgenèvre n’offre aucune difficulté particulière. Un chemin dans les alpages nos conduit gentimlent jusque la ville. Au passage, nous croisons quelques parapentistes qui profite de la gentille brise pour voler.

Arrivés au bourg, la chaleur est désormais bien présente. Je cherche désespérément un magasin qui pourrait me fournir du gaz mais… il n’y en a aucun ! J’hallucine intérieurement sur le fait qu’une telle station de montagne, sur le GR5 n’offre pas de magasin proposant du matériel de trek sérieux…

Cruel dilemme : que dois-je faire ? Poursuivre ma route en espérant que la petite bouteille m’emmènera bien jusqu’à Menton ? Ou faire un crochet par Briançon pour m’approvisionner et repartir de Montgenèvre ? Ou bien continuer via le GR5 classique depuis Briançon ? Même si j’ai mon idée, un petit coup de fil à ma guide préférée me confirme que la seule option raisonnable est de filer vers Briançon : ne plus avoir de gaz pour cuisiner serait fort gênant et personnellement, la brandade de morue lyophilisée froide ne me tente pas.

Pour l’heure, nous pique-niquons avec Pierre sous la tonnelle d’une boulangerie aux patrons très sympathiques et apprécions bien ce petit coin d’ombre. Une fois avalée notre pitance, nous repartons le cœur vaillant pour Briançon où nous comptons nous ravitailler en nourriture, pharmacie et… gaz.

46
Le Pont d'Asfeld

Le chemin pour Briançon n’est pas désagréable, car surtout largement ombragé. Cette étape n’était pas prévue dans mon planning, mais c’est précisément un des objectifs de ma démarche que de lâcher prise. Peut-être même que ce changement de programme sera une chance (en fait, oui, comme le futur me le montrera).

En chemin, nous rattrapons Hubert, un autre trekker du GR5. Il souffre énormément du genou mais ne lache rien, même s’il sert les dents à chaque descente.

C’est donc tous les trois que nous arrivons à Briançon et pénétrons dans la ville via le pont (impressionnant) d’Asfeld. Quelques photos plus tard, et nous voici en quête de \240magasins pour recharger nos sacs. Un petit stop au Leclerc du coin pour quelques fruits et agapes diverses.

Il faudra marcher une demi-heure pour rejoindre la zone où je devrai trouver un magasin de sport pour mon gaz. Heureusement, c’est dans la direction du camping, lequel est lui même pas très loin de la station de bus qui me ramènera à Montgenèvre.

Arrivé à Décathlon, je blêmis quand on m’annonce que le stock de cartouche de gaz est épuisé ! Je file alors vers un Intersport qui sera mon sauveur. Je laisse de côté l’esprit « ultra-léger » et achète une cartouche moyenne qui m’emmènera sans aucun doute au bout de mon périple. Ouf, un souci de réglé !

Après tous ces détours, nous voici en quête du camping. Cela urge car le ciel s’assombrit de manière très menaçante et le ciel gronde autour de nous ! Il devient rapidement d’un noir d’encre… Nous suivons Pierre qui, topo en main, nous dirige… dans la mauvaise direction ! Argh… L’étape du jour a déjà été bien longue et nous nous serons tous bien passés de cet épisode. Hubert décide de nous laisser là et de rejoindre son gîte. Pierre est dépité et je reprends les choses en main pour rejoindre le camping. C’est pratiquement en courant que nous arrivons au camping, trente secondes avant que l’orage furieux claque au dessus de notre tête ! Quelques éclairs tomberont même pas trop loin et ceux sont des trombes d’eau qui s’abattent maintenant sur nous. Heureusement que je n’ai pas continué ma route et bivouaqué en altitude car j’aurai été drôlement secoué !

Nous retrouvons Rémi et Adrien qui sont venus en bus de Plampinet. La journée semble avoir été pour eux plus gastronomique que sportive. Nous continuons sur cette lancée à force de bières , diabolo grenadine et de barquettes de frites pour nous réchauffer. La pluie faiblit un peu mais ne s’arrête pas et c’est donc sous quelques seaux d’eau que je monte mon abri pour la nuit… pas très agréable et Adrien me file un coup de main pour alléger ma peine.

La pluie finit par cesser et une douche bien chaude, suivi d’un bon repas au sec dans la salle commune suffiront à me redonner le sourire. Nous profitons bien de la soirée et rigolons pas mal. J’essaye de me coucher pas trop tard car demain, le réveil sera à 5h pour pouvoir prendre la navette qui me ramènera à Montgenèvre afin de poursuivre mon itinéraire initial.

Bilan de la journée

Départ : Plampinet

Arrivée : Briançon

Météo : ☀️(très chaud)

D+ : 1300 m

D- : 1600 m

Distance :

Cols : Col de Dormillouse, Col de la Lauze

Hébergement : Camping les cinq vallées à Briançon \240⭐️⭐️⭐️

47
Grand Charvia

Réveillé ce matin à 5h afin de plier le camp et de retrouver la navette à la gare de Briançon. J’ai très bien dormi et fait le maximum pour ne pas réveiller mes compagnons qui dorment encore du sommeil du juste, et plie la tente encore trempée de la pluie (coté pile) et de condensation (coté face).

Petit coup de stress pour trouver la gare de Briançon, mais j’y arrive finalement largement en avance. La petite navette me conduit tranquillement à Môtgenèvre , où j’arriverai à 7h10, pour prendre un excellent petit déjeuner à la boulangerie.

La montée au colvert vais se fait très bien dans la forêt. Il fait frais, la température est juste comme il faut, et le vallon est vraiment très agréable. Arrivée au col une vue magnifique sur les écrans s’offrent à moi.

Vue sur les Ecrins

48
Cervières

J’arrive à Cervieres sur les coups de 11.15. La descente depuis le col s’est faite dans un climat très méditerranéen. La chaleur très forte, le calcaire environnant, l’odeur des pins, tout cela donne un air de garrigue étonnant à 2500m d’altitude.

La descente est longue et je ne m’attarderai pas à Cervieres qui n’offre aucun intérêt. Mon objectif : le col d’Izoard.

Quelques photos de Cervieres

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Point de vue

La première partie de la montée au col d’Izoar a peu d’intérêt. Route carrossable, quand ce n’est pas sur une route goudronnée, le chemin est long… très long avant d’arriver au départ du vrai sentier, au fond du vallon.

Dommage, car le paysage est très « canadien » et dégage une atmosphère agréable. Sur les coups de 13h, je trouve un petit coin pour pique-niquer à l’ombre, sur les berges du torrent où je me laverai ainsi que mes vêtements.

50
Col de l'Izoard

La suite de l’ascension du col est très pénible. Hormis le chemin non balisé, parfois perdu au milieu des arbres et herbes hautes, l’accès au col se fait par un pierrier très raide et épuisant à grimper sous le cagnard. C’est parfois un vrai jeu d’équilibriste pour progresser sur les cailloux instables, en utilisant les rares mottes de terre ancrées dans le pierrier comme autant d’îlots de refuge. .

J’arrive ainsi au premier col vers 2700 m, mais le col d’Izoard est plus bas. Pour le rejoindre, je dois encore descendre des pentes vertigineuses où le moindre faux pas serait fatal. Décidément, il se mérite, ce col !

Après quelques sueurs froides, c’est sans encombre que j’arrive au col où je retrouve l’agitation des motards. J’en profite pour me désaltérer avant de reprendre ma route. Direction : le Queyras.

51
Col de l'Izoard

La suite du parcours passe par un magnifique canyon qui n’est autre que le lit du torrent de l’Izoard. J’adore l’ambiance un peu lunaire même si la progression sur des cailloux instables ne ménage pas mes chevilles.

52
Arvieux

Arrivé à Brunissard, une longue, très très longue portion sur la route est franchement moche et décourageante. Pas le choix, il faut se la faire mais après toutes mes péripéties, ce nouvel épisode me pèse beaucoup. La chaleur reste intense et la bonne gestion de l’eau, une priorité.

53
Château en Queyras

Une fois rejoint le sentier qui mène à Château en Queyras, je rejoins très vite Pierre, Rémi et Adrien qui ont également prévus de dormir non loin de Château en Queyras dans un gîte. J’aime toujours autant ce groupe très sympa et prévoit de me joindre à eux au gîte.

Adrien souffre énormément. Les étapes sont vraiment trop longues pour lui et son sac trop lourd. À un moment, je décide de porter son boulet et lui offre l’occasion de tester l’approche MUL avec mon propre sac à dos. Apparemment, cela le soulage beaucoup tandis que je souffre (en silence) de son sac trop lourd et mal équilibré…

La descente n’en est pas moins belle et j’essaye d’en apprécier le moindre détail malgré le contexte.

Arrivé à Château en Queyras, je rejoindrai finalement Hubert et Bruno qui campent là (merci Hubert pour le tuyau !), et laisserai les jeunes rejoindre leur gîte, trop loin pour moi après une si grosse journée. Nous passerons une excellente soirée autour d’une grillade revigorante et des discussions nourries, parfois presque philosophiques.

Lac de Roue (ou ce qu’il en reste)

54
Bargha Grill

Au final, cette journée a été longue, trop longue. Je n’aurai pas du tenter le col de l’Izoard, mais suivre tout simplement le GR5 depuis Briançon. Bon, d’un autre côté, je sais désormais comment c’est…

Et puis la portion de route entre Brunissard et Arvieux est interminable. Heureusement, j’ai retrouvé avec bonheur quelques compagnons avec qui j’ai passé de bons moments.

Demain, direction Ceillac mais je lève le pied. Je veux laisser reposer un peu la machine qui a beaucoup donné aujourd’hui.

Bilan de la journée

Départ : Briançon

Arrivée : Château en Queyras

Météo : ☀️(très chaud)

D+ : 1800 m

D- : 2300 m

Distance : + 30 km

Cols : Grand Collet Vert, Col de l’Izoard

Hébergement : bivouac au camping de Château en Queyras \240⭐️⭐️⭐️ accueil et restauration super, pas de douche

55
Col Fromage

J’ai passé une excellente nuit dans ce camping improvisé de Château Queyras. Après la grosse étape d’hier, j’ai décidé de prendre mon temps ce matin et de me préparer sans pression. Petit déjeuner au soleil, petite toilette et quelques bricoles, et le voilà prêt à attaquer la montée au col Fromage.

Pierre, Rémi, Hubert et Bruno sont partis depuis longtemps quand j’attaque la montée a 9.15. Le chemin est très joli, très forestier notamment au début. Il longe un torrent tumultueux qui apporte de la fraîcheur à ce début de journée déjà chaud.

J’en profiterai pour faire une halte à l’ombre et nettoyer mon linge. Le sentier continue dans les àlpages et arrive au col Fromage après un joli balcon. Malgré ma vitesse d’ascension (2h30 au lieu de 4h30), je n’ai pas réussi à rattraper mes compères.

Mon bivouac à Château Queyras

Château Queyras, la bien nommée

Via ferrata

Ma tronche

Impressionnant canyon…

Col Fromage

Re-ma tronche

56
Ceillac

Après un rapide pique-nique au col, je redescend rapidement sur Ceillac. Je refais le plein d’eau avant de tomber sur Hubert et Bruno tranquillemét assis en train de siroter leur bière. Tous les magasins sont fermés et n’ouvrent de nouveau qu’à 16h. Tant pis pour le ravitaillement, on doit y aller et on fera avec ce qu’on a.

Réunion au sommet : nous décidons d’aller dormir au lac Miroir au dessus de Ceillac. L’étape a déjà été longue et le col Girardin trop loin pour aujourd’hui.

Je suis un peu inquiet pour Pierre, Rémi et Adrien qui ont prévu de se lancer vers le col Girardin ce qui est une étape énorme alors qu’ils ne sont pas du tout expérimentés. Leur problème…

Nous Voici donc partis tous les trois, Hubert, Bruno et moi vers le lac sous une chaleur de gueux…

57
Lac Miroir

La montée au lac est particulièrement rude ! Le chemin est pentu et difficile sous cette chaleur. J’enclenche mon rythme « machine de guerre » et ne fais qu’une bouchée des 500 m de dénivelé pour rejoindre le lac.

Je réfléchis longuement pour continuer sur le lac suivant car il n’est que 16.25. Mais après tout, la journée a été longue et l’endroit propice au bivouac. Je me laisse tenter et reste avec mes compagnons pour profiter d’un bon moment ensemble. Discussion avec le berger du coin, comme c’est l’usage. Celui-ci a les yeux bleus brillant d’intelligence et nous parlons un bon moment ensemble. De sa passion pour les chevaux qu’il élève pour le plaisir au dessus de notre campement. De la source fraîche un peu cachée mais tellement bonne. Du projet immobilier gargantuesque que le nouveau maire de Ceillac - constructeur de chalets - a initié pour le village. De sa vie aussi. Tout simplement.

Je fais une rapide toilette avec l’eau fraîche de la source avant de partager un repas lyophilisé avec mes amis. Nous discutons de l’environnement, de nos inquiétudes (partagées ou pas). De l’avenir. Et aussi de notre avenir.

Nous nous couchons tôt car la journée de demain risque bien d’être très longue. Lever prévu aux alentours de 5h30. Bonne nuit !

Le lac Miroir

Le lac Miroir

Hubert et Bruno, deux potes randonneurs, beaux comme des camions

Bivouac pour la nuit

Bilan de la journée

Départ : Château en Queyras

Arrivée : Lac Miroir

Météo : ☀️(très chaud)

D+ : 1700 m

D- : 900 m

Distance : \240km

Cols : Col fromage

Hébergement : bivouac \240⭐️⭐️⭐️

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Lac Sainte-Anne

J’ai du mal à réaliser que je termine ma deuxième semaine en trek à travers les Alpes. J’expérimente en réalité une distorsion de l’espace et du temps dans cette aventure : le temps n’a plus d’importance et l’espace est à la fois réduit au 30cm de large de mon sentier et à l’immensité des paysages grandioses qui m’entourent.

Ce matin, lever à 5h30 pour un départ à 6h30. J’emmène avec moi Hubert qui craint de passer seul le premier col de la journée, le col Girardin. En effet, celui-ci est un peu technique et le mauvais temps est annoncé, ce qui n’est jamais bon pour monter en altitude. Enfin, pas le choix. Il faut passer. Et même si je ne souhaite aucune contrainte dans ce trek, je n’ai pas le cœur a le laisser se débrouiller seul avec son angoisse et son inexpérience.

C’est donc ensemble que nous quittons le camp. Bruno dort encore et \240le soleil pas encore levé. Les jambes doivent se délier un peu avant de donner le maximum et s’est progressivement que nous atteignons le lac Sainte Catherine et sa chapelle.

Hubert dans l’effort

59
Col Girardin

L’ascension continue bon an mal an vers le col Girardin. Je suis obligé de ralentir l’allure pour qu’Hubert puisse atteindre le col relativement sereinement. Je ronge mon frein mais savoure également l’école de la bienveillance : après tout, ce n’est qu’un col et j’aurai tout le loisir de continuer mon trek seul plus tard.

Sauf que… en plein milieu du raidillon final, un ciel d’apocalypse se positionne au-dessus de nos têtes. Le vent enfle subitement, les nuages gris, bleus, noirs forment une arme de destruction massive pour nos pauvres épaules de randonneurs. Une seule solution : la fuite. Et plus elle est rapide, mieux cela sera. Soudain, la grêle furieuse s’abat sur nous. J’ai juste le temps de m’équiper quand le vent se mêle à la pluie pour nous contrer. Nous luttons et finissons par atteindre le col Girardin. Mais pas de temps à gaspiller pour admirer le paysage : il faut descendre rapidement car même s’il est encore tôt, une telle situation pourrait dégénérer en orage. Fuir. Et vite.

La montée vers le col, vue du col

C’est peut être beau, mais c’était assez flippant…

60
Fouillouse

La descente du col Girardin est épique. Les paysages sont magnifiques mais pas le temps pour les apprécier : Hubert file vers Maljasset dans l’espoir de trouver une voiture qui l’emmènera à Larche, tandis que je m’aventure sur un sentier escarpé, pour la suite du GR5.

Progressivement, le temps finit par se stabiliser et j’arrive assez sereinement à La Barge. Là, une petite chapelle invitera à la réflexion… surtout après m’être explosé le crâne contre la porte trop basse ! Sûrement le choc de la foi… mon pauvre crâne perché sur des jambes trop longues en aura rencontré des plafonds improbables…

Je me déleste de mes pièces (trop lourdes) qui contribueront à rénover le toit de La Chapelle tout en laissant une lumière éphémère élever au ciel quelques pensées pour les êtres aimés.

Je continue ainsi ma route en remontant le long de l’Ubaye. Cette étape est souvent vécue comme rébarbative par les randonneurs du GR5 mais je la trouve étonnamment agréable. Les voitures sont en réalité très rares dans ce bout du bout du monde et un chemin serpente régulièrement près du torrent, donnant la possibilité d’échapper à l’asphalte.

Arrivé au Pont du Châtelet, une longue balade sur la route m’attend pour rejoindre Fouillouse. Une voiture s’arrête à ma hauteur :

- vous voulez que je vous monte car c’est que de la route maintenant ?

- non merci. Je fais tout à pied, mais c’est sympa de proposer…

Vous avez dit têtu ?

En réalité, le chemin quitte assez rapidement la route pour prendre un sentier qui monte dans la forêt. Sentier ? Un mur plutôt ! Super raide. Je suis totalement au taquet et divise par deux le temps de montée. J’arrive ainsi à Fouillouse pile à temps pour déjeuner sur une jolie terrasse ombragée avec l’ami Bruno que je retrouve là par hasard.

Je profiterai de moins passage dans le village pour faire connaissance avec Laurent le boulanger qui vient tout juste de changer de métier après avoir été ingénieur dans une centrale nucléaire…

L’impressionnant pont du Châtelet que j’emprunterai pour monter à Fouillouse.

L’échelle du Paradis ?

Fouillouse

Fouillouse

61
Hôtel Larche

Bon… c’est pas qu’on s’ennuie mais c’est à Larche que je crèche ce soir et j’ai encore deux cols à passer : le col du Vallonet et le col de Mallemort. Je mets les gaz comme je sais faire et atteint le premier col sans problème aucun, assez rapidement même.

Le second passera par des fortifications aussi laides que terrifiantes, également atteint assez rapidement.

La météo incertaine m’offre le luxe ultime de passer l’après-midi absolument seul dans les montagnes pour atteindre les objectifs : il n’y a absolument personne, pour mon grand plaisir !

Petite pause grignotage au col de Mallemort avant de descendre comme une fusée vers Larche que j’atteindrai 3h30 après mon départ de Fouillouse (au lieu de 6h je crois).

J’y retrouverai toute la joyeuse bande de randonneurs désormais familière : Hubert, Pierre, Rémi, Adrien et Érika, une petite nouvelle mais qui arrête demain. Ils filent tous au camping tandis que je choisis l’option hôtel afin de pouvoir bien reposer mon corps et mon esprit. Le patron est absolument charmant. Je goûterai sa cuisine avec gourmandise. Le plateau petit déjeuner qu’il m’a préparé pour demain matin semble également très prometteur.

Col du Vallonet

Il n’a pas l’air malheureux au final…

Fortifications sous le col de Mallemort

Derrière ces murs, la folie des hommes vous contemplent…

Col de Mallemort

Larche

Bilan de la journée

Départ : Lac Miroir

Arrivée : Larche

Météo : 🌧⛅️

D+ : 1800 m

D- : 2300 m

Distance : \240km

Cols : Col du Girardin, Col du Vallonet, Col de Mallemort

Hébergement : hôtel \240 ⭐️⭐️⭐️⭐️

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Auberge du Lauzanier

Le réveil m’a tiré du lit une nouvelle fois ce matin. J’ai assez peu dormi car me suis couché tard : c’est qu’on a plein de choses à faire quand on est en trek !

Je profite à plein du petit déjeuner que le patron m’a concocté, avec essentiellement des produits Maison un délice. Je me paye même le luxe de prendre une douche avant de partir !

Après avoir tout remballé, je quitte l’hôtel direction le Lac de Lauzanier. C’est un magnifique lac perdu au fond d’un vallon du Mercantour. Pour y aller, la trace commence par le suivi d’une route goudronnée, pas franchement agréable.

Je suis surtout inquiet par une douleur au tendon d’Achille droit. La même douleur que j’avais ressenti au gauche avec Rose-May et qui était passé en quelques jours. Au réveil, je pouvais à peine poser le pied par terre et le tendon était douloureux au toucher… Je ne sais pas vraiment quoi faire alors… je continue, en serrant les dents à chaque pas. J’espère que cela va finir par passer car je ne me vois pas faire encore 200km comme cela…

Je suis seul sur la route qui serpente entre les arbres quand soudainement, j’expérimente une étrange sensation. Difficile à décrire mais c’était une sorte de plénitude, de bien être. Une bouffée d’amour absolu qui me fait intimement réaliser la connection qui existe - évidemment - entre tout être et toute chose. Deviendrai-je boudhiste ? En tout cas, ce fut apaisant même si relativement fugace.

Au Lac du Lauzanier, je décide de soulager mon tendon en le trempant dans l’eau froide du lac. Je prends le temps de savourer ce moment où le temps semble comme suspendu. C’est étrange. Plus j’avance, et plus j’ai envie d’atteindre mon but car il devient « concret », réalisable, atteignable. Et quand je pense à cet hypothétique moment où je verrai la mer pour la première fois, une bouffe d’émotion me donne la chair de poule et mouille mes yeux… et en même temps, j’ai de plus en plus envie de profiter du moment présent. De chaque instant. De chaque minute. Car je ne veux pas que cela s’arrête. Mais tout en sachant le caractère éphémère du souvenir que, vainement, j’essaye de créer. Alors : accélérer ou ralentir ?

En observant attentivement mon tendon douloureux, je m’aperçois de rougeur sur les côtés. Or une inflammation ne se voit pas… eurêka ! Le problème ne viendrait-I’m pas des chaussures ou des guêtres ? J’essaye en desserrant le tout et miracle ! La douleur est soulagée instantanément. Probablement que la chaussure appuyait mal sur cet endroit… même si cela va mieux, le problème n’est pas totalement résolu et la douleur s’exprimera encore en fin de journée.

Mais je peux marcher. Marcher. Et marcher encore.

Larche vu de la montée au Lac

Cette route qui n’en finit pas mais qui sera le décor d’une drôle d’experience

Montée au lac. Au loin, le pas de la Cavale qu’il me faudra gravir.

Lac du Lauzanier

Méditation contemplative

63
Pas de la Cavale

La suite du périple continue avec la montée au Pas de la Cavale via un autre lac. Rien de particulier si ce n’est que mon tendon va mieux. La trace dans les pierriers est un peu technique. Au détour d’un virage, un bouquetin apparaît sur la crête ! Un grand et beau mâle, superbe.

Le pas de la Cavale offre une ambiance très minérale, presque haute montagne. Je m’y sens bien et prends le temps de grignoter en contemplant le paysage. Hubert, que j’ai rejoins ici, entame sa descente dans des virés des schistes. Impressionnant.

Lac de derrière la Croix

Le Pas de la Cavale

Mon signal, mon phare depuis des semaines…

Hubert dans la descente du Pas de la Cavale

Glisser n’est pas une option…

64
Camp des fourches

La suite du periple passe par le Col des Fourches. En descendant du Pas des Cavales, je fais don à la montagne d’un slip et d’une paire de chaussettes que le vent malicieux à arracher de mon sac. Allez hop ! 100 grammes de gagnés. Comme quoi, il est encore toujours possible de s’alléger.

En chemin, je croise un berger (et des bergers « stagiaires ») avec qui, évidemment, je vais discuter un bout. Super sympas, comme d’habitude. Bon, c’est pas le tout, mais il y a encore un col à se faire. Ben oui, encore un col…

Partant du principe que monter est pénible, et descendre douloureux, autant que cela dure le moins longtemps possible. Je décide alors de mettre le turbo et gravir ce second col en un temps record.

Très intéressantes planches éducatives au sommet qui expliquent la géologie complexe du site.

J’attends Hubert pour déjeuner rapido avant de descendre sur Bousieyas, via le camp des Fourches, une ancienne fortification militaire.

65
Bousiéyas

Après le col des Fourches, redescente express via le camp des Fourches, anciennes fortifications militaires qui jouaient un rôle majeur dans la protection des frontières avec l’Italie.

Bon, c’est sympa Wikipedia, mais Hubert m’attend quelques centaines de mètres plus bas pour boire un pot. C’est reparti, direction Bousiéyas.

Arrivé au bar, cela nous fait tout bizarre : les gens parlent fort, non, très fort avec un drôle d’accent… serions-nous déjà dans le Sud ?

Après m’être désaltéré avec mon poto, je dois bien repartir vers le dernier col de la journée, le Col de la Colombiere.

Hubert décidera quant à lui de faire du stop pour rejoindre notre point de chute de ce soir, Saint Dalmas Le Selvage. Bien lui en a prit : il m’a confié s’être endormi devant son Perrier sur la terrasse du café, peu de temps après mon départ et que ce sont les propriétaires qui l’ont réveillé !

Quant à moi, je ne lache rien et monte littéralement comme une fusée le dernier col de la journée, en croisant - au passage - la queue d’une grosse vipère. Le paysage n’a aucun intérêt, mais il faut bien passer de l’autre côté…

Arrivé au col, je me dois de célébrer comme il se doit un événement : mon 400eme kilomètres !!! 400 km de marche en pleine montagne depuis le 10 juillet…

C’est absolument hallucinant et je ne sais d’ailleurs pas totalement comment réagir… Je ne pensais vraiment pas en arriver là et vivre cela. Mais c’est un fait, mes jambes et mon mental me portent ; je ne lache rien et continue d’avancer, inexorablement, vers le Sud, vers la mer…

Mais pourquoi fais-je cela ? En fait, je ne suis même pas certain de réellement le savoir… Par défit ? Pour vivre une sorte de retraite spirituelle ? Pour vivre l’expérience ultime de la liberté ? Pour sentir ma connexion au monde, à la nature, aux éléments ? Pour réfléchir au sens de la vie, de la mienne, de la notre ? Pour qu’on me foute vraiment la paix pendant trois semaines ? Pour ressentir l’expérience d’une certaine foi ? Pour tout cela à la fois ?…

En réalité, je crois que je fais cela car, d’une manière ou d’une autre, je devais le faire. Il le fallait. Tout simplement. J’ai découvert il y a bien longtemps que la montagne est un puissant catalyseur qui permet de mettre à jour ce que l’on a en soit, sa propre vérité.

Alors, c’est peut-être cela, en fait. Tout simplement.

Je suis en quête de vérité.

(Vidéo à la fin)

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Saint-Dalmas-le-Selvage

La suite du périple continue avec la descente sur Saint Dalmas Le Selvage. Cette descente, sous une chaleur de gueux, n’offre absolument aucun intérêt. Le chemin est par moment vertigineux, et casse-patte à souhait. C’est un calavaire que je souhaite voir s’achever au plus vite !

Et ça dure… ça dure… enfin, le village apparaît ! Pas trop tôt…

J’y retrouve mon pote Hubert qui vient d’être déposé de son stop. Après (rapide) discussion, nous décidons de prendre un lit au gîte pour un prix qui défie toute concurrence (20€ !). La douche est excellente, et c’est une belle occasion de laver son linge. Il y a si peu de monde que nous avons un dortoir chacun.

La soirée se finira au restaurant les Marmottes qui nous servira des plats indécents pour des randonneurs… mais que cela fait du bien !

Après cette excellente soirée, il est grand temps d’aller dormir…

Le sentier de descente à flan de falaise

Dis Rose-May… C’est quoi cette fleur bizarre que je n’avais jamais vu ?

Le village

Soirée gastronomique… (mais bien méritée)

Bilan de la journée

Départ : Larche

Arrivée : Saint Dalmas Le Selvage

Météo : 🌥☀️

D+ : 1600 m

D- : 1800 m

Distance : \240km

Cols : Pas de la Cavale, Col des Fourches, Col de la Colombiere

Hébergement : gîte étape \240 ⭐️⭐️⭐️⭐️

67
Saint-Étienne-de-Tinée

Je sens que mon corps est devenu un corps de marcheur. Il s’est transformé, s’est affiné, s’est musclé, s’est adapté. Le peu de graisse que j’avais a désormais disparu. Je suis une devenue une machine à avaler les sentiers, à gravir les pentes, à enchaîner des milliers de pas par jour. Tel un cheval de course sur la ligne de départ, le matin quand je pars de mon lieu de villégiature, il n’a qu’une envie, c’est de dérouler les jambes, de partir. Je progresse désormais à une vitesse qui moi-même me stupéfait par moment. Avalant les dénivelés comme un ogre affamé son petit déjeuner après une nuit de jeûne.

Je deviens autre. Ou plus exactement, je deviens ce que je suis, un marcheur.

Je me lance ainsi chaque matin à l’assaut du sentier, de ce GR5 que je suis désormais depuis plusieurs semaines. Happé non pas par l’objectif final qui a toujours été bien trop loin, presque irréel, mais simplement pour le voyage du jour.

68
Col du Blainon

Arrivé à Saint Étienne de Tinée, je m’octroie ma pause cafe-croissant-jus d’orange à la terrasse d’un café. Je prends mon temps et prends plaisir de cette atmosphère délicieusement provençale. Il est clair que nous ne sommes plus en territoire alpin : quelque chose a changé dans l’atmosphère.

Les maisons ocres, les platanes, l’évidente douceur de vivre qui plane sur la ville.

Je rachète quelques victuailles et file vers Auron, la station de ski où j’espère pouvoir… racheter des chaussettes !

Sur le chemin de montée, je double vaillamment deux jeunes gars qui, vexés, accélèrent pour tenter de m’emboîter le pas. La montée est très très raide. Je souffle un peu. Ils ne me rattraperont jamais. Non mais, c’est qui le patron ?

Arrivé à Auron, je retrouve Hubert qui arrive en stop. Je cours gérer mon histoire de chaussettes et trouve exactement la paire qu’il me fallait. Du coup, j’en prend deux, on ne sait jamais…

Pour le slip, en revanche, je repasserai. Je vais donc finir ma GTA avec UN slip. Heureusement qu’il est en mérinos, un tissu exceptionnel (au prix proportionnel).

Coup de fil à mon père adoré (et impliqué !) qui se démène depuis plusieurs jours savoir si les sentiers du Mercantour, dévastés par une tempête fin 2020, sont désormais pratiquables. Et la réponse est oui ! De plus, Rose-May a sollicité son réseau de collègues pour confirmation et m’a envoyé la carte interactive que le parc a développé. Tous les voyants sont au vert et je continuerai donc ma route avec pour objectif Menton ! Merci à tous pour votre aide 🙏

Petit pot à une brasserie avec Hubert puis nous décollons, direction le col du Blainon. Nous quittons Auron sans regret, station artificielle et sans âme. Après les jours que nous avons vécus en pleine montagne, le choc a été significatif.

La montée au col est rude et je laisse derrière moi mon compagnon pour avaler ce nouveau dénivelé. Nous finissons par atteindre le col où nous pique-niquerons sur un spot idéal. \240Nous sommes tous deux d’accord pour dire toutefois que, jusque là, le Mercantour c’est beau, mais cela ne vaut pas les Alpes du Nord. Du moins pas encore.

Vue d’Auron du chemin montant au col du Blainon.

69
Gîte de Roya

Nous avons à peine terminé notre pique-nique que je constate le grossissement, le bleuissement des nuages, annonciateurs d’un temps particulièrement pourri ! Il faut descendre, et vite ! Notre dernière étape de la journée est le petit hameau de la Roya.

La descente est sans intérêt hormis les paysages magnifiés par les nuages. Juste un truc : c’est normal qu’il y ait de la lavande désormais sur les chemins de montagne ?

Nous arrivons au gîte d’étape tenu par de charmants gardiens, vraiment serviables. Après avoir tergiversé, je décide de camper sur la zone de bivouac, en contrebas du village, près du torrent. Le ciel reste très menaçant et il serait idiot de continuer en risquant de se prendre l’orage. Hubert ne me rejoint pas et c’est très bien ainsi : j’ai besoin d’être seul. Je m’installe rapidement puis fait une nécessaire toilette dans l’eau vive. Délicieusement rafraîchissant… Vivement 19h, l’heure du dîner au gîte-étape que j’ai décidé de prendre (je garde les lyophilisés pour les bivouacs en altitude). Le dîner fut aussi copieux qu’excellent, et c’est le centre plein que je rejoins mon campement.

Il faut que la nuit soit réparatrice ; la journée de demain sera une grosse étape de plus de 30 km au contraire de celle d’aujourd’hui. Je me lèverai sûrement très tôt.

Hameau de la Roya

Mon bivouac pour la nuit, avec le GR5 juste derrière et le torrent en contrebas.

Bilan de la journée

Départ : Saint Dalmas Le Selvage

Arrivée : Roya

Météo : 🌥☁️

D+ : 1300 m

D- : 1300 m

Distance : 20 km

Cols : Col d’Anelle, Col du Blainon

Hébergement : bivouac sur aire réservée, proche du torrent \240 ⭐️⭐️⭐️⭐️

70
Col de Crousette

Aujourd’hui a été une journée de montagne magnifique au cœur du Mercantour. Pour le coup, j’ai apprécié ses beautés, ses nuances, son caractère. Vraiment une journée qui comptera dans ce périple. D’ailleurs, j’ai pris beaucoup de clichés de cette journee, qui appellent peu de commentaires.

Tout a commencé par un réveil à 5h du matin. Le temps de ranger le bivouac, prendre un petit déjeuner, me voila parti sur les coups de 6h15 pour le col de Crousette.

La montée à la fraîche est toujours aussi plaisante et voir la montagne qui s’éveille doucement, un enchantement.

Le jour qui se lève offre toujours des couleurs magiques.

Le col Crousette en ligne de mire

Bon, ben il a l’air content au moins…

Lever du soleil

Et moi qui me croyait seul… j’ai surpris une petite bande de chamois qui profitait de la fraîcheur pour grignoter un peu. Désolé, les amis…

Enfin le col…

Après le col, ben il faut rejoindre devinez quoi ? Un autre col d’où part l’ascension du Mont Mounier. J’irai jusqu’à l’antécime de ce sommet caillouteux, le sommet en soit ayant peu d’intérêt et j’ai assez de dénivelé pour aujourd’hui.

Cette première partie a été un régal. Hormis une frayeur avec des patous agressifs qui m’ont encerclé (6 chiens… je ne faisais pas le malin et ai eu une bonne dose d’adrénaline).

71
Col des Moulinés

La descente du col de Crousette offre un éventail de paysage incroyable, de la steppe désertique à l’alpage fleuri. La chaleur est encore tenable, je suis seul et sous le charme. Prochaine étape : le col des Moulinés.

La trace dans les steppes… oui, oui, tout cela était bien en France…

Un chamois

72
Les Portes de Longon

Du col des Moulines, il faut ensuite rejoindre les Portes du Longon. Malheureusement, aucun espoir de siroter une limonade au refuge éponyme qui est fermé pour travaux.

Et moi qui pensait que cela continuerait de redescendre,.. les portes du Longon est un raidillon douloureux sous la chaleur qui commence à se faire sentir. S’ensuit une longue, longue, longue marche dans un alpage très plat.

C’est sec. Très sec…

Village de Vignols

On se croirait en Mongolie…

73
Roure

Après le refuge du Longon en travaux, une grande descente m’attend jusqu’au village de Roure. Un charmant village très typique. En chemin, je fais connaissance de deux très jeunes randonneurs, Matthieu et Guillaume, tous deux élèves dans une école d’ingénieur. Ils font le GR5 dans le cadre de leur cursus !

Avant d’atteindre Roure, une longue, très longue portion de réputé forestière met à mal les genoux et le mental.

Le village est vraiment charmant. Je m’attarde à la buvette municipale afin de digérer cette longue chaleur sous un soleil de plomb.

74
Saint-Sauveur-sur-Tinée

Après Roure, je décide de poursuivre à St Sauveur pour y passer la nuit.

Je dégote un gîte municipal formidable qui nous accueillera pour 10€ la nuit ! J’en fait profiter mon copain Hubert qui ne tarde pas à rappliquer. Nous faisons la cuisine afin de dîner tôt et… de bus coucher tôt après une si belle et longue journée. Nous filons au lit des étoiles dans la tête…

Bilan de la journée

Départ : Roya

Arrivée : St Sauveur sur Tinée

Météo : 🌥☀️

D+ : 1400 m

D- : 2400 m

Distance : \240 km

Cols : Col de Crousette, Col des Moulinés, Portes de Longon

Hébergement : gîte municipal au rapport qualité - prix imbattable \240 ⭐️⭐️⭐️⭐️

75
Rimplas

Aujourd’hui à encore été une magnifique journée de montagne au cours de laquelle j’ai bien profiter du Mercantour.

Cette journée a commencé à 5h30. J’ai rangé mes affaires sans bruit afin de ne pas réveiller Hubert qui dort dans le dortoir à côté. Il a fallu auparavant que je répare mes chaussures avec un point de colle ; les pauvres, elles commencent à souffrir des mauvais traitements que je leur inflige. Petit déjeuner rapide et je cours m’acheter mon pain frais et un pain au chocolat parce que y’a pas d’raison.

6h45, c’est parti. Le chemin jusque St Dalmas du Plan ne présente aucun intérêt. Il serpente plus ou moins le long de la route, parfois sur la route, à flanc de falaise ou dans des zones boisées. Mon seul but est de prendre de la hauteur car l’objectif en dénivelé aujourd’hui est conséquent : plus de 2000m.

Saint Sauveur sur Tinée où j’ai passé la nuit

On va essayer… mais c’est vrai qu’il y a des pierres partout témoignant des dégâts que la région a subit. Je ne suis pas au bout de mes tristes surprises…

Arrivée à Rimplas, un village non dénué de charme.

76
Saint-Dalmas

Je continue ma route jusque Saint Dalmas et commence à apercevoir les dégâts réalisés par les pluies torrentielles que la région a subit à l’automne dernier. C’est impressionnant. Et je n’ai encore rien vu…

Je fais un gros stop dans le village avant d’attaquer le gros de la journée : viennoiserie, jus de fruit, vrai café, fruits,… je me remplis le ventre de bonnes choses avant la montée.

Le village vu d’en haut

Cher GR5, nos routes se séparent donc ici. Tu m’as tant donné et j’ai tant appris à me laisser guider par tes sympathiques peintures blanche et rouge depuis deux semaines. Tu m’as mis des étoiles dans les yeux depuis le début de notre histoire avec des paysages magnifiques, de belles rencontres, sources de belles réflexions. Mais c’est ainsi. Ton destin est d’accompagner les voyageurs à Nice alors que mes pas me mèneront à Menton. Je vais donc continuer avec ton cousin, le GR52, qui, j’espère, se montrera être ton digne successeur. À bientôt, l’Ami. Et merci.

Dans la montée, une irritation à l’aine apparaît. Je traite aussitôt au compeed car cela peut vite provoquer des douleurs fort gênantes.

Une petite pluie de dix minutes tentent en vain de gâcher la fête. Juste l’occasion de mouiller les vestes. Mais la couverture nuageuse qui s’installe va avoir un effet bénéfique inattendu : celui de maintenir la température relativement basse, m’aidant ainsi considérablement à gérer mon effort.

77
Col de Veillos

Force est de constater que je monte comme une fusée. C’est vraiment sans effort que j’atteins le premier col de la journée, le col de Veillos.

Il n’y a personne sur le sentier et un peu plus au col. Normal : il est accessible en voiture…

Quelques images de la montée ; les paysages sont vraiment magnifiques…

78
Col du Barn

Vu que tout se passe bien, je ne vais pas m’arrêter là et continue vers le col de Barn.

Pour atteindre celui-ci, je m’égare un peu dans les nombreuses sentes mais décide de le faire confiance et de « lâcher prise ». Bien m’en a pris : non seulement je finirai par recoller à la trace originale, mais avec le cadeau de passer par de nombreux lacs de montagne, tous aussi beaux les uns que les autres. Je décide d’ailleurs de faire ma pause déjeuner en surplomb de l’un d’entre eux. Je suis seul au monde et en parfait harmonie avec mon environnement.

Pause déjeuner bien méritée d’ailleurs, après avoir gravi près de 2100 m de dénivelé positive depuis mon départ ce matin.

Ces paysages ont vraiment un air de Pyrénées ; la similitude est frappante.

79
Col de Salèse

Le col de Salèse sera mon prochain objectif. Une bonne descente m’attend du col du Barn pour l’atteindre, une descente vraiment agréable au milieu des mélèzes, des pins, du torrent qui chante à mes côtés. Il ne fait pas trop chaud et je savoure chaque pas que je fais dans ce décor de rêve. J’atteins rapidement ce troisième et dernier col de la journée.

Après le col de Salèse, je pénètre enfin dans le vallon éponyme qui se situe au dessus de Saint Martin Vésubie. Ce vallon a été le théâtre de terribles inondations dont l’étendue des stigmates, encore largement visibles aujourd’hui, fait froid dans le dos et illustre la violence des éléments qui s’est déchaînée ici. C’est un véritable terrain de guerre : arbres gigantesques déracinés, chemins détruits, lit du torrent dévasté, blocs rocheux immenses chahutés… les mots manquent pour décrire cette vision apocalyptique.

Il faudra que je jongle entre les différents débris et obstacles pour me frayer un chemin dans ce dédale.

80
Le Boréon

J’avais tout avec moi pour bivouaquer mais la vision du vallon dévasté ne m’incite pas à m’y installer pour la nuit. Je file donc vers le Boréon, petit village en contrebas.

Bien m’en a pris ! Je rejoins un cite-étape qu’un randonneur m’avait conseillé. Le gardien, Nicolas, m’accueille chaleureusement, comme un roi même devrai-je dire. J’aurai droit pour cette nuit à une chambre individuelle ! Le repas fut excellent et la discussion avec les autres randonneurs très animée autour… du poids des sacs. Éternel sujet dans ce genre d’aventure… C’est l’incompréhension quand j’explique - goguenard - que je randonné avec 5kg de matériel quand certains autour des la table porte 15… 18… voire 20 kg. Ils insistent (gentiment) pour que je leur montre mon matériel. Je me plie de très bonne grâce à ce petit jeu, leurs yeux ronds devant mon matériel me faisant intérieurement sourire.

Durant ce trek, j’aurai tout vu en la matière et seulement deux marcheurs ultra-légers. Le record revenant tout de même à ce jeune homme arrivé hier soir avec un sac énorme, confiant qu’il s’était lancé sur ce GR sans aucune expérience. Il portait un livre de 500 pages, avait même acheté un jeu de société à Briançon (!) mais avait commencé son trek sans sac de couchage en grelottant plusieurs nuits de suite emballé dans sa serviette de toilette et une couverture de survie.

Petite douche et au dodo. Lever demain à 6h (grasse matinée), petit déjeuner à 6h30 pour un départ prévu à 7h. Bonne nuit.

Bilan de la journée

Départ : St Sauveur sur Tinée

Arrivée : Le Boréon

Météo : 🌥☀️

D+ : 2400 m

D- : 1400 m

Distance : +30 km

Cols : Col de Veillos, Col du Barn, Col de Salèse

Hébergement : gîte-étape où j’aurai ma chambre individuelle ⭐️⭐️⭐️⭐️

81
Pas des Ladres

Pas à pas, arracher son corps et son sac à la gravité,

Marcher,

Respirer. Bien respirer,

Sentir son cœur battre,

Bouffer du dénivelé,

Penser, méditer, prier,

Et enfin,

Découvrir la liberté.

Après une bonne nuit de sommeil dans ma chambre particulière, je repars sur la route direction le Pas des Ladres. Je remonte d’abord une route qui a été réparée suite aux dégâts causés par la tempête. Je suis toujours soufflé par la puissance des éléments et le chaos qui en résulte. C’est tout simplement terrible…

J’arrive ensuite à une vacherie rénovée. Après avoir arrêtée son activité dans les années 80, des subventions ont permis la rénovation du site. Dommage, il est trop tôt pour leur acheter du fromage…

Le chemin continue et je ne connais pas mon bonheur de ce cheminent forestier. En effet, toute la journée va être sous le signe du minéral le plus absolu, la progression (lente) dans les pierriers étant la règle… mais tout cela c’est pour plus tard. Pour le moment, ça grimpe gentiment.

Lac de Trecolpas

Ma tronche d’ahuri

Et enfin, le pas des Ladres. Et hop, 800m de dénivelé dès 9h30. Bon ça, c’était juste l’apéro.

82
La Madone de Fenestre

Du Pas des Ladres, je file rapidement vers la Madone de Fenestres, un haut lieu historique à la fois religieux et d’alpinisme, comme je l’apprendrai sur place. La descente se passe bien sur un bon chemin, même s’il est frustrant de redescendre… pour remonter en face !

Le Pas des Ladres

C’est parti pour la descente…

La Madone de Fenestres

Arrivé au hameau, je dois prendre une déviation car le chemin est coupé pour travaux. Pas grand chose, cela sera rapide. Je ne traîne pas, j’ai encore de la route ; le Pas du Mont Colomb.

83
Pas du Mont Colomb

Et là… je vais comprendre ma douleur… l’enfer commence ici avec quasiment tout le reste de la journée en progression sur des pierriers. C’est épuisant, traumatisant pour les chevilles et genoux, ça ralentit, il faut faire gaffe en permanence… bref, l’enfer. Sans compter qu’il fait une chaleur de gueux… J’en bave comme un turc pour monter ce col… mais j’y arrive finalement à 13h, pile pour la pause casse-croûte.

Oui, oui, c’est bien de l’escalade…

Des cailloux, des cailloux, encore des cailloux…

Le col est en vue…

Bon, ok, y’a quand même des copains sympas

Voilà le col. C’est vraiment une faille dans le rocher.

84
Refuge de Nice

Bon… et si on allait boire un coup pour se remettre de cet effort ? Allez, direction le refuge de Nice.

Je vais retrouver sans plaisir des gens en maillot de bain fluo et lunettes de soleil dorées se baigner dans le lac de montagne. La pollution n’est pas forcément matériel…il paraît qu’il en faut pour tous les goûts.

C’est encore une bavante pour descendre de la passe du Mont Colomb. Caillasse puissance 10. J’arrive enfin au refuge mais quelle est longue cette journée. Un petit coca et un Schweppes agrumes m’aideront à retrouver le sourire.

Le col du côté descente

Vous avez dit cailloux ?

Le lac et le refuge de Nice. Bon, ok. C’est quand même beau.

85
Lac du Basto

Allez, on se motive, c’est que la journée n’est pas finie…

Un troisième col ? Youpi ! En route pour la Baisse du Basto. Bon, j’avoue, j’ai du me boter les fesses depuis le refuge car j’en ai carrément marre des pierriers à grimper dans un four. Maintenant… pas vraiment le choix alors…

Finalement, ma pause m’a donné un coup de fouet et c’est sans trop grande douleur que je franchis ce nouveau col. Cela aurait pu être pire alors rendons grâce. Mais c’est qu’en fois en haut d’un col, et bien il faut redescendre bien sûr !… et là je commence franchement à en avoir ma claque.

J’arrive au lac du Basto et décide de bivouaquer ici. De l’autre côté, il y a la vallée des Merceilles avec une réglementation spécifique draconienne qui interdit le bivouac. Et je n’ai plus la force de la franchir après une journée pareil. En plus, il a tout pour plaire cet endroit : de l’herbe grasse, des emplacements avec des petits murets de pierre, de l’eau, et les chamois qui font le spectacle à vingt mètres de nous ! Allez, c’est décidé, je plante ici pour la nuit…

Bon, je râle, je râle, mais c’était tout de même encore une fois une belle journée de montagne. Les paysages étaient superbes, les chamois et bouquetins au rendez-vous, il ne faudrait quand même pas l’oublier. En revanche, j’ai noté qu’il y avait bien moins de fleurs ici que dans le Nord, l’aridité prédominant.

B

Arrivé à la Baisse du Basto. Et de trois !

Lac du Basto

Bivouac pour la nuit. Dodo !

Bilan de la journée

Départ : Le Boréon

Arrivée : Lac du Basto

Météo : ☀️

D+ : 2400 m

D- : 1400 m

Distance : +30 km

Cols : Pas des Ladres, Pas du Mont Colomb, Baisse du Basto

Hébergement : bivouac ⭐️⭐️⭐️

86
Vallée des Merveilles

Alors ça y est… Moi, l’homme des montagnes, des cols et des sommets, je quitte mon petit paradis, mon septième ciel pour commencer la descente vers la mer. Je troque ainsi les chamois pour les cigales, les mélèzes pour les pins maritimes, les asters pour la lavande, le vent rafraîchissant pour le soleil brûlant, le torrent tumultueux pour les rus à sec, le sentier pour la garrigue. Tout cela me manque déjà alors promis, je reviendrai bien vite, mais il faut bien que je termine mon aventure…

Ce qui m’a plus choqué lors de mon retour à la civilisation à Sospel sont les sons que je n’ai plus entendu depuis trois semaines : voiture, train, avion, moto, klaxon, gens qui crient… l’autre chose sont les odeurs, parfum, odeurs de cuisine…

Et puis cette journée restera dans les annales également par les données de l’étape totalement dingue : 39km, 1300m de D+ et 3200 de D-.

Mais voici comment cette étape a commencé.

La nuit a été très agitée avec le vent qui a soufflé une bonne partie. Cette fois-ci, je n’étais pas inquiet car je savais que l’abri tiendrait, mais c’est juste qu’on dort mal à cause du bruit. Lever à 5h, départ à 6h. Je prendrai mon petit déjeuner au refuge des Merveilles car je souhaite partir très vite : le mauvais temps menace et je préfère avancer tant qu’il ne pleut pas.

Je monte rapidement le premier col, la Baisse de Valmasque, qui m’ouvre les portes de la Vallée des Merveilles. Je profite de les premiers pas dans cette vallée mythique, je suis seul et le soleil se lève doucement transformant les sommets environnants en torches flamboyantes.

Cette vallée est connue par le nombre impressionnant de gravures rupestres répertoriées : 40000.! Elle est même classée au monuments historiques et la plupart n’est pas accessible sans guide. Les rares que l’on peut voir sont toutefois impressionnantes, voire émouvantes. Pouvoir les observer sans la horde de touristes coutumière est un privilège rare. Je ne peux toutefois m’empêcher de haïr la bêtise crasse de certains de mes contemporains qui n’ont pu s’empêcher de souiller cette exemplaire unique de la mémoire de l’humanité avec leurs propres gravures, vulgaires étrons sur des chefs d’œuvres vieux de cinq millénaires.

Ma déambulation m’amène progressivement au refuge des merveilles. Et là, c’est un nouveau choc ! Le refuge est entouré par une horde de randonneurs gesticulant, se préparant… fuir, vite (après avoir pris mon petit déjeuner).

J’y vais ou j’y vais pas ?

Refuge des Merveilles près du lac

87
Pointe des Trois Communes

La suite de cette journée m’entraîne au pas du Diable, que je monte comme un cabris afin de doubler la foule bigarrée qui suit le même chemin. Fuir, vite…

La descente du Pas du Diable signe le début du calvaire de cette longue journée jusqu’à Sospel. Je quitte en effet le Parc du Mercantour pour rejoindre alpages et forêts. La température n’en finit pas de monter et c’est une composante avec laquelle il va falloir que je joue. La descente du Pas du diable n’est pas la plus désagréable en fait.

Puis la suite du parcours alterne entre chemin dans des alpages abruptes et forêt, sans aucun intérêt. Le paysage est très beau mais redondant. C’est long, chaud, monotone.

Mon objectif est Lauthion que j’atteindrai vers 11h, tout en passant à la Pointe des Trois communes, dernier col de cette aventure épique au delà de 2000m.

Le Pas du Diable

Chemin de descente vu du Pas du Diable

Mes copains, les chamois

Début du long chemin de descente

Fortifications à la Pointe des Trois Communes

88
Camp d'argent

Du Lauthion, je me dirige vers la Baisse du Camp d’Argent où je déjeunerai. Chemin sur la route, puis \240sur des crêtes qui donnent accès à un paysage impressionnant.

Petite salade au Restaurant le Yéti et je repars pour le gros de la journée, la descente vers Sospel.

89
Sospel

S’ensuit une longue, longue, longue descente vers Sospel. Six heures, au moins, sans aucune possibilité de bivouac et sans aucun point d’eau. Pour ce dernier détail, j’anticipe et me charge en eau avant de quitter le restaurant. Le chemin serpente dans les alpages, à flanc de colline parfois, sur des crêtes, dans des forêts… cette portion n’a que peu d’intérêt. Je vais aussi vite que je peux car ma première estimation me donne une arrivée pour 20h, ce qui est loin d’être raisonnable. La chaleur est très prenante…

Vacherie

Baisse de la Déa. Et ça continue…

Le long chemin de descente…

En descendant, je vois des forêts à perte de vue…

Enfin, le chemin passe en forêt d’où je pourrai profiter de l’ombre.

Baisse de Figuièra

Arrivée à Sospel

Arrivé à Sospel, je suis ma stratégie habituelle : je me rue vers un bistrot pour prendre mon diabolo-grenadine et tirer des renseignements pour un éventuel hébergement. Et là, c’est la douche froide : il n’y a qu’un gîte, probablement complet. Le camping municipal est fermé mais on peut planter sa tente. Il y a un bémol cependant : il n’y a pas de point d’eau ! Il y a bien un autre camping mais plus haut, à 3 km de là. J’ai un peu le moral dans les chaussettes ; heureusement, Rose-May est là pour me soutenir et trouver une solution.

Je vise donc le « vrai » camping ouvert ; un gentil taxi m’y conduira. Après avoir planté la tente, je file au restaurant pour me remplir la panse. Une douche chaude et généreuse ainsi qu’une bonne lessive m’aideront à retrouver le sourire. Plus qu’à bien dormir, car demain… sera une journée importante.

La dernière de mon périple.

J’y suis et ne sais quoi penser. Nous verrons bien… lâcher-prise….

Bilan de la journée

Départ : Lac du Basto

Arrivée : Sospel

Météo : ☀️

D+ : 1300 m

D- : 3200 m

Distance : 40 \240km

Cols : Baisse de Valmasque, Pas du diable, Col de Raus, Baisse de Saint Véran, Pointe des Trois Communes, Baisse de Camp d’Argent, Baisse de la Déa, Baisse de Linière, Baisse de Fighièra

Hébergement : camping ⭐️⭐️⭐️

90
Col du Razet

L’étape d’hier a été longue et éprouvante, peut-être déraisonnable même. Arrivant à Camp d’Argent pour déjeuner, je ne me voyais pas attendre jusqu’au lendemain pour atteindre Sospel. Inversement, partir pour Sospel signifiait au moins six heures de marche supplémentaires car impossible de bivouaquer sur ce trajet par manque d’eau. J’ai choisi la seconde solution. Et j’en ai bien bavé à cause de la chaleur et de la descente interminable… Mais le coup de massue sur la caboche est venue de l’absence de logement à Sospel qui, heureusement, s’est arrangé par une place dans un camping.

J’étais assez proche d’autres campeurs qui étaient en train de tout remballer pour cause de départ le lendemain (nous étions vendredi soir). Les gosses étaient excités par ce départ et les adieux avec leurs copains de vacances. Cela jouait et criait dans le camping, jusqu’à des heures indues. Mon état de fatigue a cependant fait fi de cette situation qui m’aurait autrement fortement contrarié. En fait, je me suis écroulé sur mon matelas pour dormir quasiment jusqu’à ce matin.

Excité comme une puce et désireux de rejoindre Menton au plus vite (tout en profitant du plaisir de marcher à la fraîche), je suis réveillé à 5h. J’allais dire comme d’habitude… À 6h, la messe est dite et tout le matériel est remballé. En route pour Sospel où je prendrai mon petit déjeuner.

Les trois kilomètres qui séparent le camping du centre ville sont vite descendus. Je pille une boulangerie outrageusement appétissante et m’installe sous les arbres avec mon rechaud pour accompagner mon festin de pain au chocolat et croissant par un café « maison ».

Je profite de ce moment de calme où la ville se réveille progressivement. L’atmosphère est calme et je ne réalise pas encore ce que cette journée va représenter pour moi.

Alourdi de mes viennoiseries caféinés, je m’élance à l’assaut du premier col du jour, le col du Razet. Je file comme le vent et double un groupe d’une dizaine de randonneurs qui, je l’apprendrai plus tard, terminent également la GTA qu’ils auront couvert en 28 jours.

L’ascension se fait essentiellement dans un couvert forestier pas désagréable. Mais ce n’est pas parce que c’est le dernier jour que cela ne monte pas ! Décidément, exigeante jusqu’au bout cette GTA !

Sospel le matin

Montée au Col du Razet

Col du Razet. Bon, ok, y’a pas grand chose à voir, mais il faut bien se le caguer quand même !

91
Colla Bassa

Allez, c’est pas le tout mais la journée n’est pas finie ! En route pour le second col de la journée, le Colla Bassa. Le chemin countinue de serpenter dans la forêt au milieu de la garigue.

Czst un virage comme j’en ai pris des milliers depuis trois semaines. Banal, insignifiant. Un petit virage sur un chemin caillouteux, aride, presque désolant.

Sauf que ce petit virage allait en réalité concrétiser enfin mon rêve, mon objectif depuis près de trois semaines. L’objet d’un fantasme presque inavouable tant il semblait démesuré. Ce après quoi je cours, j’use mes semelles à m’en broyer les chevilles, ce pour quoi j’ai perdu tant de litres de sueur dans l’ascension de cols, brulé tant de calories, ce pour quoi je me lève aux aurores tous les matins, ce pour quoi je marche, marche et marche encore dans une obsession absurde que Don Quichotte n’aurait pas reniée.

La mer.

Dans un déchirement de nuage, je l’aperçois enfin, pour la première fois.

J’avoue ne pas savoir quoi penser. J’en reste bouche bée. Comme un gamin qui déballe le circuit de voiture tant attendu au soir de Noël, je me retrouve là, face à l’objet de mes convoitises, la concrétisation d’un projet un peu fou.

Je reste un moment à la regarder, alternant entre joie de la réalisation, et l’anticipation de la peine que l’aventure se termine aujourd’hui. Tempête émotionnelle pour laquelle il n’existe nul port où se réfugier.

De toute manière, pas d’autres choix que de sortir de mes rêveries du randonneur solitaire car je ne suis pas encore arrivé. Le Colla Bassa d’atteindra bien vite après cela.

Ce type d’aventure, et c’est ce qui en fait le miel, est décidément propice à la découverte et à la rencontre.

Au détour d’un nouveau virage, décidément facétieux sur cette dernière étape, je tombe littéralement sur un petit coin de paradis, un lieu dont il est impossible de soupçonner l’existence. En pleine forêt toute sombre prend place une magnifique propriété tenue par Christine depuis sept ans. Elle a transformée une garrigue stérile en terre d’accueil pour randonneur et jardin d’Eden à force de permaculture.

Un endroit pour se poser, se reposer, échanger, méditer… boire et se restaurer avec les biscuits de la maîtresse de maison et fruits du jardin ! Et le tout de façon totalement désintéressé, la participation étant libre. Simplement incroyable.

Je reste scotché à cet endroit mais, et c’est une des frustrations constantes de mon périple, il faut bien avancer.

Avancer.

Avancer toujours.

Et donc repartir. Salut Christine, et merci pour ton accueil et ton humanité.

92
Col du Berceau

Depuis mon départ de Sospel ce matin, j’expérimente un phénomène climatique qui n’a fait que s’accentuer, notamment dans l’ascension du col du Berceau.

Les nuages sont très présents et le taux d’humidité est hallucinant. Couplée à la température élevée qui règne sur ce versant, mon teeshirt me colle littéralement à la peau, même à l’arrêt ! Cela donne la sensation de faire de la randonnée dans un sauna…

J’atteins dans cette ambiance le Col du Berceau, dernier col de mon aventure. Je prends mon temps pour pique-niquer quand le groupe que j’avais doublé arrive : ils sont tout excités à l’idée de toucher du doigt la mer après leurs 28 jours de marche… et je les comprends…

Petite sieste avant la dernière descente. Je ferme les yeux et m’assoupis quand soudain, j’entends le grognement d’un ours qui me réveille en sursaut ! Ah non… c’est juste mes ronflements qui m’ont réveillés. Bon, ben il est temps d’y aller je pense, avant que l’alerte soit donnée…

93
Menton

Dans la descente du col du Berceau, la chaleur moite se fait de plus en plus présente. Les nuages se déchirent et je vois ainsi se rapprocher l’objet de mes convoitises depuis des semaines : la baie de Menton. Sensation étrange de toucher du doigt un objectif qui semblait par ailleurs totalement irréel il y a quelques semaines encore…

Au cours de la descente abrupte vers la ville au cours de laquelle je vais perdre plus de 1000m de dénivelé très rapidement, je manque de glisser plusieurs fois et me rattrape de justesse : la semelle de mes chaussures est en effet si usée qu’il lui manque des crampons, perturbant sérieusement l’adhérence de celles-ci…

Arrivé à quelques 200m au dessus de Menton, les rives du sentier se couvrent subitement d’immondices, essentiellement des habits, des chaussures… pas si en mauvais état que cela… au début, je ne comprends pas l’origine de ces déchets qui ternissent sans nul doute l’image de la ville. Et puis c’est le flash, le déclic qui m’apparaît comme une évidence : les migrants clandestins. Et là, d’un coup d’un seul, me saute aux yeux toute la misère du monde et la tragédie que vivent ces pauvres âmes,, contraintes de fuir leurs pays dans l’espoir chimérique d’une vie meilleure sous nos latitudes. Je ne peux rester insensible face à cette misère tout en le sentant totalement impuissant…

La descente continue… Je chemine désormais dans le haut de la ville entre les maisons cossues et voitures hors de prix. Mon pas est toujours aussi assuré même si je ne sais pas comment réagir en réalité. Je me laisse simplement porter par la conclusion de ces trois semaines d’effort, de détermination…

Et soudain, la voila. Elle m’apparaît enfin clairement, à quelques pas devant moi. Encore un effort et je pourrai la toucher, comme j’ai touché le Lac Léman le 10 juillet.

La mer.

Je rejoins vite la plage. Il fait chaud mais j’accélère tout de même. Elle m’appelle. Je souris intérieurement de l’image que les autres vacanciers peuvent avoir de moi, arrivant déguisé en randonneur, bâtons de marche à la main et sac à dos bien rempli par une température d’au moins 35 degrés.

J’arrive sur la berge. Pose le sac et prends le temps de savourer ce moment unique. Je regarde la mer, Menton, les gens… Je flotte littéralement.

Alors, vient le moment de conclure notre idylle.. Je défais mes chaussures, l’unique teeshirt que j’avais pour cette folle traversée, et me laisse glisser tout doucement dans l’eau chaude et transparente. Après tous ces efforts, doutes et appréhension, outrepassés par une foi infaillible, cette simple baignade m’apparaît dès lors comme un nouveau baptême, un rituel sacré qui ne peut faire sens qu’auprès des rares initiés qui auront eu le courage d’aller au bout de leur motivation tout en intégrant profondément l’enseignement d’une telle expérience.

L’accueil sacré dans le monde des hommes libres.

Bilan de la journée

Départ : Sospel

Arrivée : Menton

Météo : ☀️

D+ : 1400 m

D- : 1800 m

Distance :

Cols : Col du Razet, Colla Bassa, Col du Berceau

Hébergement : chez Céline et Éric ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Écrire le dernier chapitre, le dernier volet d’une telle aventure est probablement l’une des plus grandes difficultés de la rédaction de ce journal de voyage.

Il y a tant de pensées et d’émotion qui se bousculent dans la tête, tant de souvenirs, de sensation, d’images et de rencontres, que démêler la pelote pour en tirer l’extrémité et dérouler le fil de mes pensées est une tâche qui me parait définitivement ardue, voire impossible. Peut-être que l’approche la plus sage consiste simplement à considérer cette aventure comme une parmi d’autres qui ne regarde que moi ; après tout, le GR5, le GR52, les montagnes, fleurs, chamois, bouquetins et marmottes se foutent pas mal de mon petit exploit, et c’est très bien ainsi.

Mais peut-être qu’au contraire, c’est précisément parce que tout ce petit monde est en réalité connecté avec moi depuis le début que c’est englobé d’une sérénité apaisée que j’ai abordé cette dernière journée et l’issue de cette aventure. Non pas parce qu’elle est là fin d’une épopée, la fin d’un voyage, mais bel et bien car elle signe le début d’un nouveau cycle, d’un nouveau chapitre.

Parce qu’une telle aventure abordée en solitaire a, par essence, une forte connotation - si ce n’est moteur - spirituel. Parce que ce chemin m’aura fait découvrir une vérité, et que celle-ci ne peut désormais plus être ignorée.

Se retrouver seul en montagne est l’occasion unique de réfléchir, de méditer. Ces années passées en altitude au milieu des bouquetins, rhododendrons, et parfois orages, les millions de pas de cette aventure, m’ont fait comprendre qu’au final, la montagne ne répond absolument à aucune question. Elle ne donne également aucune absolution, aucun pardon. Elle n’aide pas à mieux comprendre le monde. Vous pouvez retourner pendant des heures des questions philosophiques dans votre esprit, la démarche sera d’une stérilité déconcertante. Alors pourquoi ?

La constante qui m’a sautée aux yeux durant cette aventure est que tous les randonneurs solitaires que j’ai croisés ont une bonne raison d’être sur le chemin. Une motivation profonde. Que cette raison est toujours très intime et rarement partagée, pour ne pas dire jamais. Et même si la montagne ne répond à aucune question, tous, sans exception, sont toujours heureux.

Pourquoi ? Car la montagne est en endroit singulier qui permet d’expérimenter, de vivre, de ressentir la plus fondamentale et la plus précieuse des valeurs : la liberté.

Et à travers cette liberté, cette Arkenstone que j’ai finalement découverte au cours de ces 600 km parcouru face à moi-même, le pouvoir de la montagne m’est apparu. C’est un pouvoir unique et rare, bien plus puissant que le plus puissant des oracles et qui dépasse largement le simple champ spirituel.

Ce pouvoir, est celui de vous faire devenir… celui que vous êtes.