Le dos de l’ocarimba représente la divinité du Hibou
Anse de poterie en forme de chauve-souris
Nous voila qui descendons les puits et parcourons le chemin jusqu’à la première rivière que nous avons vu. Nous avons espoir que cette rivière soit un affluent de la rivière bruyante que nous avons entendu l’autre fois. Nous supposons donc qu’en nous y mettant, peut-être qu’avec beaucoup de chance elle nous mène à la grosse rivière ?
Elle est toute calme, il n’y a pas de courant, l’eau est bleue claire, avec une belle visibilité. Il faut s’y jeter, pas le choix. On nage dès le début, les bords sont très coupants et la roche est « pourrie ». On dirait que les énormes prises tiennent mais de très gros bouts nous viennent dans les mains. On remonte d’abord la rivière, un passage bas nécessite que nous nous immergions et que nous enlevions notre casque pour passer un petit instant la tête sous l’eau. On rigole bien ! Charlie et ses capacités d’escalades nous permette de remonter la rivière et ses petites cascades jusqu’à buter sur une salle fossile où une grosse coulée stalagmitique nous empêche de continuer plus loin. On ne s’entête pas, on file explorer l’aval, en observant au passage de très beaux spécimens de crevettes cavernicoles bien dépigmentées. De beaux couloirs de nage nous attendent encore. Nous coulons presque avec nos chaussures d’alpis lourdes comme des enclumes, nos vêtements trempés et Charlie avec sa combinaison en coton en plus de ça ! On rencontre deux cascades que nous descendons en rappel, une maman-crabe nous laisse admirer sa portée de bébés-crabes qu’elle porte sous sa carapace à un passage que Charlie nomme « Le Passage de la fertilité ». Nous atterrissons dans une grande salle et un siphon. Terminus. On n’ira pas plus loin. On grignote un morceau. Le froid nous gagne un peu. Pourtant il fait bien 25 degrés dans cette grotte mais ça fait un moment qu’on est dans l’eau. On a promis à Oel de revenir pour 17h. On l’a abandonné tout seul avec ses poteries, il n’avait pas l’air malheureux. C’est déjà 16h, on est à 1h de Oel mais il FAUT qu’on aille voir la rivière-qui-fait du bruit. Elle me hante depuis deux jours ! On court donc jusqu’à l’endroit où nous nous étions arrêté la fois dernière. Matteo abandonne en court de route, sur une escalade dans la boue. Il n’a plus de forces ! Juan s’accroche et nous suit. Quand il nous rattrape Charlie a déjà installé une corde et descend dans le puits qui nous sépare de la rivière. « Mais vous êtes des flêches vous ne vous fatiguez jamais ? » s’étonne Juan. « C’est qu’en France on fait pas mal de spéléo, et cette grotte n’est pas très difficile, hormis les déplacements dans la boue » je lui répond, en descendant le puits à mon tour. Aaaaah, la rivière, ça y’est ! On retrouve les morceaux de stalagmites que nous avions jetées samedi soir. Une belle rivière qui part vers l’amont et vers l’aval, sans siphon. On peut progresser dans les deux sens. C’est frustrant ce compte à rebours. On prend le temps de calculer le débit : 18l/s. Puis Charlie et moi partons vers l’amont. On marche dans la rivière avec de l’eau jusqu’aux chevilles, rapidement il faut escalader, désescalader, prendre des appuis, c’est sportif ! On s’arrête de nouveau « sur rien », ça continue mais on doit faire demi-tour. Quelle frustration m’envahit ! On retrouve Juan qui avait commencé à nous rejoindre « L’eau est trouble en amont » lui commente Charlie. « Alors c’est bon signe » constate Juan « A MalPasso la rivière est trouble aussi, je crois que c’est pour ça que personne ne veut continuer de l’explorer ». Donc elles feraient peut-être partie du même système. Quel gros réseau on pourrait mettre à jour dis donc ! Juan remonte le puits, nous jetons un coup d’œil à l’aval cette fois-ci : ben ça continue aussi. Ra la la...
Malgré tout on remballe toutes nos cordes, on « déséquipe » la cavité. Espérons que le groupe Jaguar se motive à faire la topo et continuer les explorations. On dirait qu’ils ont envie mais selon Juan, ils ne sont pas nombreux à avoir le niveau technique et physique de venir jusque là. On aimerait tellement participer ! Mais en même temps, le Mexique, c’est immense, et il y a tellement de choses à voir. On se traine avec nos kits (sacs de corde) plein de boue jusqu’à Oel. Il photographie toujours ses poteries. J’ignore s’il s’est aperçu de notre retard, il est 18h30 ! On remonte tranquillement jusqu’à la sortie, les gars peinent à passer le dernier fractionnement. Nos bloqueurs sont tellement pleins de boues qu’ils ne « mordent » plus la corde, si bien qu’en montant, il nous arrive de redescendre ... !
Cette grotte n’a donc pas fini de nous livrer ses secrets. Oel devrait partager son rapport avec nous. Sales comme on est, même après nous être changés, n’empêche pas le naturel du Mexicain de revenir au grand galop « Allons nous faire quelques tacos » propose Juan, en s’arrêtant à la Taqueria du hameau. Miam, ils sont pas mal. Ça nous redonne des forces et du courage pour laver tout notre matériel de spéléo dès en rentrant chez Augustin, à 22h. Il va nous prendre pour des fous. Il faut que ça soit propre et sec car demain on s’est engagés à partir pour trois jours d’itinérance sur un autre secteur, avec d’autres speleos!
Passage bas en semi-immersion
Crevette cavernicole
Maman crabe et ses bébés
Charlie descend le « puits de la fertilité »
Une bonne journée de spéléo avec une chouette équipe
MARDI 9 FÉVRIER, Suchiapa
Faire les courses pour 3 jours, faire le tri dans nos affaires, faire nos sacs et nous voilà dans le bus direction Benito Juarez, accompagnés de deux biologistes Juan et Jesus. Nous avions en tête de visiter le réseau de Chorro Grande, découverte majeure de l’expédition française de 1993, dont faisait partie notre ami Eric David. Il s’agit d’une rivière souterraine de 10km qui résurge dans les Gorges du Suchiapa. Ces eaux proviennent d’une perte située sur le plateau de Roblada Grande. La perte s’active que pendant la saison des pluies. L’objectif serait de rentrer par la perte sur le plateau et de ressortir par la résurgence. Au jour d’aujourd’hui, les prospections sur le plateau n’ont rien donné. Notre mission est d’aller voir si le « bouchon de sable » au fond du réseau s’est purgé ou pas. Il y a aussi des escalades à faire mais nous n’avons pas le matériel nécessaire pour les faire. Les biologistes, dont Kaleb, un des membre-fondateur du club Jaguar, viennent pour étudier un poisson cavernicole qui a été répertorié dix ans plus tôt par une équipe de scientifiques, mais qui n’a jamais été étudié. Voilà que notre équipe prend des allures d’expédition, entre explorateurs et scientifiques ! Nos scientifiques cela dit ne sont pas en grande forme physique et comptent bien marcher le moins possible. Ils combinent donc les véhicules pour nous rapprocher le plus possible des Gorges du Suchiapa, dans lesquelles se jette Chorro Grande. Arrivés au petit village de Benito Juarez après 2h de VW, nous contratons un taxi, dans lequel on s’entasse (les biologistes sont un peu gros !). Kaleb fait faire le tour du village au taxista pour faire le plein d’1kg de tortillas et de queso puis le taxi nous amène au hameau de La Union y Progreso, à 20min de là. C’est un voyage dans le temps, une piste constitue la rue principale du hameau, elle est bordée d’abreuvoirs pour les chevaux. Il n’y a pas de véhicules, que des motos et surtout des chevaux. Le hameau borde la rive de l’entrée des Gorges du Suchiapa. De là nous sommes à 10km de la résurgence, nous comptons donc partir à pied du hameau. Les coqs, les dindons, oiseaux et vaches font un fond sonore rural très agréable. Les petites maisons ont leur cour en terre battue. Ce que j’aime dans ces hameaux c’est qu’ils sont propres en général, les paysans sont débrouillards, ils ne consomment pas de plastique comme en ville. Un paysan boit un coup au « bar » du hameau, son cheval attaché à la barrière. Evidemment, tout le monde nous regarde, et je n’ose pas prendre de photo.
« Eh, où habite le « comisariado » » interpelle Kaleb depuis le taxi à 3 hommes en train de réparer quelque chose.
« La seule rue cimentée qui monte, la maison en ciment » répond l’un, dans un charabia paysan.
Pas de bonjour, d’embarras de politesse. Nous apprenons qu’au Mexique, il vaut mieux « s’annoncer » au « comisariado » lorsqu’on part marcher ou faire une itinérance. Au moins le chef du hameau sait que nous sommes là, que nous ne sommes pas dangereux, il nous donne les informations à savoir, les précautions à prendre et en échange il nous donne une certaine forme de protection. Charlie et moi sommes méfiants sur cette pratique : et si le comisariado est corrompu, alors il est très facile de nous trouver et de nous faire disparaitre. Pour Kaleb c’est l’inverse. En tant que biologiste, ils ont pour habitude de toujours se signaler auprès du comisariado avant de partir dans la nature. Le dit comisariado nous accueille depuis le pas de sa porte avec un grand sourire de dents en métal. Sa femme a le même sourire. Ils ont l’air bienveillant et nous font plusieurs recommandations. A l’issue de la conversation, il nous propose de nous avancer de 6 km sur un chemin de « terraseria » avec une camionnette. Quoi, un chemin ? Mais c’est pas possible on est à l’entrée des gorges ? Ils sont pas possible ces mexicains, il y aura toujours un moyen de se faire transporter on dirait. Charlie et moi préférons marcher mais avec tous ces transits, il est déjà 16h et le soleil ne va pas tarder à se coucher. Bon, ok pour la camionnette. Le chauffeur vide toutes les bouteilles d’essence qu’il a, il pousse la camionnette jusqu’à notre hauteur. Notre trajet réjouit 4 personnes du village qui s’entassent devant à côté du chauffeur juste pour le plaisir de faire l’aller-retour. Nous, nous chargeons nos sacs dans la benne et montons debout dedans, tel un char de gladiateur, et vrouuum, la camionnette démarre en prise dans la pente. Nous voilà à 10km/h sur le chemin de « terraceria », à jouer à garder l’équilibre sur la piste et à nous accroupir entre deux phrases pour éviter les branches, ça fait du bien. L’air est doux, les arbres sont grands, nous passons les immenses Huanacaxtles, ces arbres aux fruits ressemblant à des oreilles d’éléphants et dont les indigènes toastaient les graines pour faire du café. Il y a aussi des Jacarandas, des très grands arbres qui fleurissent rose au printemps, donc en ce moment. La « terraseria » (piste) borde les champs de « milpa ». Moi je ne vois que des champs de maïs mais Jesus nous apprend que les milpa sont une forme d’agriculture en symbiose ancestrale. On sème du maïs avec des citrouilles, des haricots rouges et du piment, et le tout s’entraide pour se protéger et se nourrir. C’est une forme primitive de permaculture. 1h plus tard la terraseria n’est plus praticable, tout le monde descend. Je plaisante auprès des biologistes en leur demandant « et maintenant elle est où la barque pour nous emmener jusqu’à la résurgence ? ». Les biologistes rigolent. « Et si seulement il y a avait une barque ! ». Ils peinent un peu à organiser leur matériel scientifique dans leurs petits sacs. Eux sont en pantalons, chemise épaisse et chapeau à l’inverse de Charlie qui est en short / tshirt, machette aiguisée à la main. C’est comme d’habitude mon Homme de la Nature qui ouvre le chemin, et impose le rythme. Il n’y a que 4-5km mais il n’y a pas vraiment de chemin, et nous devrons traverser plusieurs fois la rivière du Suchiapa à pied avant d’atteindre la résurgence. Le terrain est bien karstique, on repère des petites grottes et des traces de karstification, Charlie nous trouve toujours un chemin mais malheureusement, étant le premier, qui plus est en short, il fait également le plein de tiques. Il en choppe plus d’une centaine qui ne vont plus nous quitter tant qu’on ne retourne pas en ville. Nous trois nous en sortons plutôt bien, le pantalon et le chapeau protège pas mal aussi. Ici ils ignorent que les tiques peuvent donner la maladie de Lyme. Charlie, qui a longtemps travaillé en forêt, en est à l’inverse bien conscient, et il déteste les tiques ! L’obscurité tombe jusqu’à ce qu’il fasse totalement noir. On met deux heures à arriver à la résurgence, pourtant nous marchons d’un bon pas. Le pauvre Jesus en a la chemise trempée ! La résurgence tombe en une cascade dans la rivière du Suchiapa, il y a un petit banc de sable juste à côté, c’est parfait pour camper ! En un rien de temps Charlie a déjà ramassé et coupé du bois et nous filons nous baigner à la cascade, que nous éclairons avec les frontales. Les petits verts luisants illuminent ce décor nocturne somptueux, les biologistes ont allumé le feu, que c’est bon d’être en pleine nature ! On partage le repas de tortillas au queso fondu avec un bon café, un plat de pâtes de la part de Charlie et du riz en sachet pour les mexicains. Eux ne s’encombrent pas de tente ni de duvet, ils ont juste pris « un toit » et vont dormir sous leur couvertures de survie. Ils n’ont même pas de petit pull, alors qu’il fait plus frais dans les gorges. Nous c’est le grand confort on a notre change sec du soir (legging et tshirt manche longue), une tente et un duvet pour deux et on roupille comme des bébés jusqu’à l’aube.
Début de la marche au soleil couchant avec nos deux biologistes
Il nous faut traverser la rivière du Suchiapa plusieurs fois avant d’arriver à la résurgence de Chorro Grande
MERCREDI 10 FÉVRIER, Suchiapa
Qu’est ce que j’aime me réveiller en bivouac et prendre le temps de boire mon café pendant que la nature se réveille. Les biologistes sont excités à l’idée d’aller capturer ce poisson. Est-ce qu’ils y arriveront ? Est-ce que leur étude sera pertinente ? Pourquoi Jesus a-t-il attendu 10 ans avant de venir à Chorro Grande ? Et combien se passera-t-il de temps avant qu’il fasse son article ? En tout cas, nous sommes heureux d’avoir été l’élément déclencheur de cette étude scientifique. Nous partons en premier dans la galerie principale de Chorro Grande, nous avons comme mission d’aller au bout pour voir le siphon de sable tout en comptant le nombre de poissons et en observant à quel point ils sont entrés dans le réseau. Ce sont des mini poissons chats, les plus petits font quelques centimètres, les plus gros environ 15. 1, 2, 5, 9, 10, dis donc y’en a ! Je ne m’attendais pas à en trouver autant. L’expédition scientifique en avait compté 6 dans l’autre galerie, dont plusieurs de morts et aucun dans cette branche. Soit la population s’agrandit, soit il n’y avait pas prêté attention. En revanche dans le rapport de l’expédition française de 1993, le biologiste Philippe SIAUD ne mentionne aucun poisson ni crabe dans sa longue liste d’échantillons prélevés. Il faudra que je le contacte pour savoir s’il se rappelle avoir vu des poissons. Il y a des poissons jusqu’à mi galerie, à environ 3km de l’entrée, nous en comptons 37. Ils sont bien dépigmentés. La galerie est immense. Nous ne portons pas de baudrier c’est que de l’horizontale. C’est agréable : c’est grand, facile et joli, une vraie randonnée aquatique souterraine ! Il y a quelques poches de CO2 qui gênent un peu notre respiration mais c’est la seule difficulté que nous rencontrons. A notre retour, 6h plus tard, nous croisons les biologistes qui posent leurs pièges. Jesus a repéré deux espèces de poissons mais il est déçu car pour l’instant il n’a piégé que de jeunes spécimens qui sont aveugles mais qui ont encore des yeux. Les grands sont trop malins pour se faire piéger ! Nous partons en éclaireurs dans l’autre galerie et comptons à nouveau les poissons, à 1/3 de la galerie nous en avons compté 49, dont 3 morts. Peut-être que cette rivière est plus polluée que l’autre ? Ou qu’il y a moins de faune pour manger les cadavres ? Il se fait tard, nous faisons demi-tour pour ressortir au crépuscule. Les biologistes eux continuent leur travail jusqu’à 21h. Ce qui nous laisse le temps de cuisiner sur le feu de camps et de profite du calme de la soirée, sur fond musicale d’un énorme crapaud qui appelle laxistement sa future compagne. Nos biologistes arrivent épuisés au feu de camps, ils leurs faut encore prendre en photo leurs spécimens et les plonger dans le formol. Kaleb a prélevé un vieux crabe (c’est sa spécialité) et Jesus a 4 poissons, mais malheureusement pour lui ils ont tous des yeux. Dommage ceux que nous avons vu au fond ont les yeux plus atrophiés. J’espère que son étude donnera quelque chose. Nous pouvons au moins lui fournir les vidéos GoPro que nous avons faites pour étayer son article.
Le campement, à l’aube
Chorro Grande, le passage du canyon
Paysage de randonnée souterraine
Les grandes galeries de Chorro Grande
Le poisson-chat troglobie
JEUDI 11 FÉVRIER, Suchiapa
C’est ici que nos chemins se séparent. Les gars remontent les gorges pour ressortir au hameau. Nous nous avons entendu dire par Matteo que nous pouvions descendre à pied les Gorges du Suchiapa jusqu’à leur exutoire ! Voila de quoi continuer l’aventure en amoureux comme j’aime ! Il n’y que 20km de marche, autant dire que c’est rien, on a le temps pense-t-on. On traine au campement et nous mettons en marche en fin de matinée. Il n’y a plus de chemin, il faut marcher dans la rivière et sur les bancs de sable quand il y en a. La rivière n’est pas très profonde, elle nous arrive au plus haut aux hanches. De temps à autre il y a des petits rapides que nous contournons facilement. Dans les basses eaux les poissons passent aussi furtivement que des ombres. Il fait bon et de partir à l’inconnu dans ces gorges pimente nos sensations. On sait juste que « ça se fait ».
« Amor regaaaaarde ! Là ! Là ! A ta droite ! » je souffle à Charlie mais c’est trop tard, il ne voit pas l’énorme serpent noir qui se glisse dans la végétation. Dommage je l’ai vu trop tard, je n’ai pas vu sa tête. Ouh la la, ça c’est un gros serpent j’espère qu’il ne vient pas trop nager dans l’eau. Heureusement que nous sommes en chaussures d’alpi, c’est gros et ça protège bien les chevilles. Augustin nous a donné un « Aspivenin » pour notre itinérance, en cas de morsure on pourra au moins aspirer le venin. Espérons qu’on n’ait pas à l’utiliser car dans ces gorges nous sommes loin de tout. Le soleil est à son plus haut point quand nous entendons du bruit : des humains. Bah, je ne sais pas pourquoi, je n’aime pas ça. On préfèrerait ne voir personne. Mon pouls s’accélère quand je vois qu’ils ont des armes. Putain c’est pas possible. Charlie garde sa machette bien en évidence à la main. Comme il est conseillé ici, nous allons franchement à leur rencontre, d’un pas sûr, la voix stable. Charlie entame la conversation avec une voix « trop sûre » « como estan, como les va ? ». L’un des deux gars a son fusil dans le dos, avec une ribambelle de balle (des vraies balles, pas du petit plomb !) prêtent à servir. Je n’aime pas ça je n’aime pas ça. L’autre gars derrière à son fusil à la main, il rigole bizarrement. Je n’aime pas leur regard ni leur attitude. On se force à maintenir une conversation normale
« On est sortis chasser » répond notre interlocuteur.
« Ah bon est qu’est ce que vous chasser » lui demandais-je alors
« Ce qu’on trouve, ce qu’on peut manger » me répond il. C’est sûr, je me trouve un peu conne d’avoir posé la question. « Ca peut etre du tejon (une sorte de marsupial), de l’armadillo (Tatou), du venado (petit chevreuil), du dindon sauvage, ce qu’il y a quoi. On a déjà eu un téjon ce matin. ». Nous expliquons que nous venons des grottes.
« Et vous, vous portez des armes ? » nous demande-t-il avec un sourire étrange. J’aime pas ça, j’ai envie de déguerpir. « On a une bonne machette » répond Charlie. Et on réfléchit plus tard qu’on a aussi 1,5L d’essence dans le réchaud, ça peut servir ! J’aime pas avoir peur des chasseurs, en France j’en aurai rien à faire, mais qui sait si ce sont de vrais chasseurs ? Qui sait quelles sont leurs intentions. Emanuel nous commente a notre retour qu’il y a effectivement des cultures de narcotrafiquants dans les gorges, et que nous avons eu peur peut-être à juste titre. Normalement les mexicains vont dans les gorges en grands groupes pour camper, ça traine plus mais on se sent protégé par le nombre. On part enfin sans nous retourner, j’ai le cœur à mille, on trouve une énorme peau de serpent sur notre chemin, c’est peut-être celle de celui qu’on vient de croiser, elle est encore fraiche. Charlie la prend, elle fait sa taille ! ca fait un bon serpent ça ! On aperçoit plus loin le reste du groupe, l’un d’eux est adossé à un gros bloc, il fait cuire le téjon récemment tué sur le feu de camps et la peau sèche à côté. Plus bas, deux adultes s’affairent à pêcher. On s’arrête se présenter, ils ont l’air moins suspicieux que les autres. Le plus vieux, un petit maigrichon, a un sourire plus sincère. On en profite pour lui poser nos questions
«On vient de voir un gros serpent noir, il y a beaucoup de serpent dans le coin ? »
« Ah, ça devait être un « mataratones » (tueur de rats), il est gentil celui là, il sort à midi pour boire à la rivière mais il n’attaque pas. En revanche, méfiez vous de celui qui ressemble au serpent à sonnette, il chasse dans l’eau à partir de 18h. Il est café avec des anneaux jaunes ». Bon, merci du conseil. On repart mais on n’est pas sereins. Fais chier l’ambiance, moi qui pensais être tranquille dans ces gorges, la tension est montée. Est-ce qu’on a eu raison de se lancer dans la descente de ces gorges ? On est tellement frustrés de ne pas pouvoir accéder à la nature seuls ici. Pourquoi faut-il toujours être accompagné ? L’encaissement du Suchiapa est beau, le paysage nous permet de nous évader, nous observons tout les phénomènes karstiques qui mériteraient d’être explorés sur une prochaine expédition. Cette partie des gorges n’a encore jamais été repéré par un spéléo. Deux résurgences et un énorme porche attirent particulièrement notre attention. Mais on ne prend pas le temps d’aller les explorer car on traine, l’heure tourne et malgré que nous nous hâtons, nous progressons d’une moyenne de seulement 2km/h, ce qui désespère Charlie qui espérait secrètement, suite à notre rencontre, de sortir des gorges dans le foulée. « A ce rythme on ne risque pas de sortir avant la nuit »
désespère –t- il. « Tu crois qu’il peuvent nous traquer ? » me demande-t-il. « Non, je ne crois pas. Rappelles-toi, ils ne savent même pas qu’on puisse sortir des gorges par les gorges ». Et puis je ne pense pas qu’on vaille le coup d’être traqués. Encore des humains, un gros groupe cette fois-ci, 8 hommes et deux petits garçons, remontent la rivière en short-tshirts avec des masques et des filets. Eux ils n’ont pas peur du Nauyaca, le serpent aquatique venimeux. On se présente auprès du « chef ». Les autres se contentent de nous dévisager en silence. Nous avons de l’eau jusqu’à la taille et avec notre sac à dos, le courant nous déstabilise, on n’est pas en position de force mais l’échange est court et le groupe de pêcheur continue de remonter la rivière. Ils viennent du hameau de Guadaloupe, nous ignorons où se trouve ce village mais savons qu’ils sont entrés par un côté du canyon. Plus tard ils nous doublent dans l’autre sens en marchant sur des sentes dans la forêt. Ils connaissent bien les raccourcis. On essaie de leurs embrancher le pas mais ils sont légers et ils vont vite. On s’arrête alors manger un bout, Charlie est désespéré par ses morsures de tiques et de puces qui le démange, et moi je ne suis pas très tranquille. On reprend la marche et arrivons sur une petite plage où le feu vint d’être éteint : ils ont mangé leurs poisson là. Effectivement il y a encore les entrailles des petits poissons qui flottent dans l’eau, avec des bouts de tortillas, deux carapaces de tatou intactes (comment les chassent-ils ? Certainement pas au fusils il n’y a pas de trou dans la carapace. Ils doivent les piéger), des gobelets en polystyrène, des sachets de plastique et une bouteille de tequila vide. Ca j’aime encore moins qu’ils boivent de l’alcool. Ils se sont mis avec raison sur cette plage où coule une petite résurgence, parfait pour remplir nos bouteilles. Nous les apercevons loin devant nous, et eux aussi. Ils doivent se sentir suivi. Dire qu’eux arrivent à chasser des animaux, et que nous on en voit aucun. Comment les voient-ils ? Leur sentier est super loin ! Ca leur fait une sacré randonnée à la journée, surtout pour les petits garçons ! Nous pensons être plus tranquilles après cette bifurcation, mais les traces de présence humaines sont sur chaque petites plages « Dans les temps des nomades ça devait être pareil » commente Charlie « Il devait y avoir des traces de feu de camps, de chasse et de pêche partout ». L’un des chasseurs nous commenta que pendant la saison sèche il y avait beaucoup de familles qui descendaient camper, faire sa lessive, pêcher et chasser dans les gorges, car sur les plateaux calcaires il n’y a pas d’eau et c’est la fournaise. Quelle vie ça doit être, c’est presque du semi-nomadisme. A quasiment chaque feu de camps nous trouvons des carapaces d’armadillo, quelques conserves de sauce tomate et ... une bouteille de tequila. Plus loin on croise trois jeunes qui sont venus camper et pêcher depuis un autre village. Je crois qu’on leurs à ficher la trousse. Puis le crépuscule nous rattrape et nous choisissons d’installer notre bivouac sur un ilot au milieu de la rivière, pensant être tranquilles de tout ces vas-et-viens. On respire et se prépare à aller nous baigner nus comme au premier jour quand deux jeunes passent sur l’autre rive avec deux ou trois chiens. Ils nous saluent de loin et continuent d’un bon pas. Dis donc ces gorges elles sont bien fréquentées. On se pose près de notre feu et la magie d’une soirée de bivouac opère : crépitement du feu, douceur de l’air, très légère brise, l’écoulement de la rivière, les crapauds, grillons et oiseaux chantent, les chauves-souris virevoltent et nous sommes quelque peu apaisés. Le diner est de surcroit succulent : bananes plantain cuites au feu de bois, tortillas fourrées au fromage fondu, et un bon café. Charlie fait un « gardien du feu » en assemblant nos vêtements et chapeau contre les rochers, auprès du feu « Tiens, il a même droit à son bâton de feu ! » me fait-il pouffer de rire ! On dirait un vrai bonhomme ! « Au moins, ça fait une présence ! » Puis il alimente notre feu avec une collection de bouses de vache et nous nous glissons dans la tente, mais pour moi impossible de dormir, je suis sur le qui-vive. On entend les deux jeunes aller et venir dans la rivière, ils font une vraie rasia de poissons. A ce rythme leur rivière n’en aura plus de poissons ... En France c’est interdit de pêcher de nuit.
Je somnole, je rêve que nous progressons dans la rivière ... « OUAF OUAF OUAAAAAF ! » « Ahhhhh » mon cri de stupeur m’étrangle presque et Charlie bondit sur sa machette. « Bordel, c’est quoi ce putain de clébard, il devait être là, juste sur nous. On est traqués comme du gibier !» je m’insurge. J’ai de nouveau le cœur à dix milles, qu’est ce qu’il nous a fichu la trousse ce clébard. Il a dû avoir autant peur que nous en entendant hurler la tente bleue qu’il attaquait, à moins qu’il traquait un gibier autre que nous, dans ce cas il a dû paniquer en entendant nos cris ! Cette dernière idée me fait sourire ...
Joli papillon
Dans les gorges du Suchiapa
Charlie a trouvé une petite mue de serpent
Un des nombreux camps de pêcheurs/chasseurs
La carapace d’un armadillo (tatou)
Les gorges du Suchiapa
La magie d’un feu de camps
VENDREDI 12 FÉVRIER, Suchiapa
Nous levons le camp à l’aube, nos cœurs et notre esprits sont plus légers que le veille : aujourd’hui nous sortons des gorges, il nous reste 7km, essayons d’être relax et de profiter de la nature. Effectivement la peur de rencontrer quelqu’un de malveillant s’envole, et marcher dans la fraicheur et la tranquillité du matin est un vrai régal. La nature est fraiche, les plantes sont bien vertes, la fin du canyon est plus encaissée et nos sens sont alertes pour admirer les oiseaux. 3 martins-pêcheurs effleurent l’eau, je vois un « Coucou-écureuil » (Squirrel Cuckoo) de toute beauté avec sa longue queue noire et blanche et son corps doré comme un écureuil. Il a la particularité de sauter de branche en branche comme un écureuil. Lors d’une petite pause, un colibri vient sucer le nectar de petites fleurs rouge. Nous profitons de ces 5 secondes pour l’admirer, ce tout petit oiseau. Plus tard nous voyons des Geais à crête très beaux, avec une longue queue qui augmente leur charme lorsqu’ils volent. L’eau scintille à la lumière du matin, ça donne envie de se jeter dedans mais nous avons trop soif. Nous avons fini notre eau la veille et nous n’avons plus trouvé de résurgence pour remplir nos bouteilles. On a la bouche
sèche ! Nous rencontrons un pêcheur avec un masque qui plonge dans le courant, dans la tranquillité matinale. Il nous parle en mâchant ses mots, un vrais paysan, mais Charlie s’en sort bien dans sa compréhension.
« Andan pa’la colonia ? » ( étrange façon d’appeler un hameau) « Nous allons à Pacu » répond Charlie, en ayant deviné sa question. « Nous venons de Chorro grande » compète-t-il ensuite. « Dis donc, mais c’est loin ça », le pêcheur est surpris d’apprendre que des touristos ont pu descendre les gorges. On sent que nous approchons de la civilisation. Pacu n’est qu’un hameau comme là où nous sommes entrés à Union y Progreso mais malgré tout, on sent des traces de civilisation. On sort par un pont fait de grillages et de barres à bétons. « Je crois qu’il n’y a pas plus lourd pour faire un pont de singe ! » s’étonne Charlie. De l’autre côté deux jeunes garçons à dos de mulets passent en jean, pull, casquette et capuche par-dessus, sous ce cagnard, avec deux autres mulets sur lesquels ils ont chargé du bois.
« Pacu ? » je leurs demande pour savoir s’il faut prendre la piste vers la droite ou la vers la gauche. L’un d’eux me pointe du doigt la direction à suivre. C’est la même que la leur. On marche deux kilomètres derrière eux, jusqu’à Pacu, où nous faisons halte au premier « abarrote » (mini épicerie).
« Vous avez de l’eau ? » La ruelle s’arrête de travailler et tout le monde nous regarde. On se sent encore comme des ovnis. La fille qui devait me servir recule, timide, et appelle un gars qui vient nous répondre « Je n’ai plus d’eau, il faut la faire bouillir ». J’ai la bouche tellement sèche, on marche depuis ce matin en ayant une de ces soifs. On ne s’est même pas fait de café pour démarrer la journée. « J’ai des petits jus si vous voulez » Il me montre des briquettes de jus de pomme de 10cl ! J’ai envie de tout rafler, j’en prend 4 et nous nous asseyons dehors, à l’ombre d’une maison, sous le regard de toute la ruelle. Je m’empresse d’ouvrir ma briquette pour boire pendant que le jeune nous mitraille de questions « Vous venez du Boquerón? » (Nous supposons qu’il parle des gorges) « Oui, nous sommes entrés par Progreso » répond Charlie, qui contient mieux sa soif que moi. Je m’efforce de sourire et d’acquiescer, alors que la petite foule de la ruelle écoute nos questions et réponse. Ils sont étonnés que des blancs-becs soient ici, et qu’ils aient pu descendre les gorges.
« Mais comment avez-vous su où sortir ? » demande le jeune de l’épicerie. « Ben il y avait un pont, et on savait que ça devait être la sortie » je réponds, étonnée du sens de sa question, entre deux gorgées de briquette. On marche au bout du hameau, par chance on trouve une autre épicerie qui a de l’eau et au même moment le VW qui part pour Tuxtla fait la tournée du hameau pour partir. On saute à bord, il y a déjà une vieille dame à l’arrière. Elle nous raconte que la pêche permet de nourrir les habitants du village de Pacu, et que le Suchiapa est une bénédiction pour les villageois. Bien sûr, j’imagine bien...
Arrivés dans le centre ville de Tuxtla, dans la rue la plus animée de la ville où paysans, commerçants, citadins se retrouvent, les vendeurs ambulants vendent des boissons et de la nourriture à d’autres vendeurs ambulants, c’est presque un écosystème ! On se fraie un chemin à travers tout ce monde et ce brouhaha jusque chez Augustin, à 40min de marche de là. Enfin on va pouvoir se doucher, s’enlever toutes ces tiques et boire un bon café ! Demain c’est le week-end, on doit retrouver notre club de spéléo pour faire une sortie !
Le Huanacaxtle, arbre aux fruits « en oreilles d’éléphant »
Papillon bien camouflé
Sur la passerelle en fer, exutoire vers Pacu
SAMEDI 13 FÉVRIER, Tuxtla
Bon ben on nous abandonne. Les gars avaient pour mission d’organiser quelque chose pour ce week-end, rien. J’ai proposé une sortie pour les motiver, que dalle. On est déçus, on attendait ce week-end avec joie ... Rien ne me déprime plus que d’être en voyage et de ne rien faire. Bon, faut le prendre bien, on va se reposer un peu. Charlie va pouvoir se remettre de toutes ses morsures de puces et de tiques (sa peau est exquise, que voulez- vous ... La mienne en revanche, j’ai à peine eu deux dizaines de petits squatteurs !). On passe une bonne journée de glande à laver nos vêtements (ou plutôt les rincer, le système de lave-linge est plutôt un rince-linge qu’un lave-linge). On prend le temps de trainer, d’aller boire un café-frappé en ville, d’acheter du café au cafetier qui nous vend aussi du miel de caféier. On a aussi le temps de passer au marché acheter de bons légumes pour que Charlie nous fasse sa délicieuse recette de ratatouille. Miam, en quelque bouchée nous sommes dans le sud de la France ! Abandonnés à notre sort donc, nous réfléchissons à ce que nous pourrions bien pouvoir faire, le temps d’organiser nos prochaines expéditions. On en a pas encore fini avec le Chiapas, il reste des gros projets en suspens avant que nous levions le camp. Il nous faut nous activer, nous organiser ...
La maison d’Augustin c’est la blanche
DIMANCHE 14 FÉVRIER, San Cristobal
Une recommandation récurrente dans le Chiapas, à peine arrivés à Tuxtla, était d’aller visiter San Cristobal de Las Casas. Nous profitons de ce contre temps pour aller passer une nuit là-bas. La raison qui nous motive le plus est qu’il y a une micro-brasserie qui fait des bières artisanales. San Cristobal est situé à 2200m d’altitude. On ne dirait pas mais le petit bus monte gentiment jusqu’à ce village très apprécié des colons, car ils ne supportaient pas la chaleur étouffante de Tuxtla. Le village a gardé l’architecture colon, les petites maisons de pleins pieds sont charmantes, avec leur magnifique petites cours intérieures pleines de végétations, de vieilles pierres, de vieilles portes en bois, leurs toits en tuiles fignolés. Le village est propre. Habituellement il est très prisé des touristes mais on voit bien qu’avec la pandémie, on ne rencontre que très peu de nos congénères. Je me régale d’admirer cette belle ville et de n’avoir rien d’autre à faire que de découvrir des charmants petits coins de rue, arrière-cour et bonnes adresses. Nous sommes dès notre saut du bus marqué par la présence de la population de Tzotziles, un groupe indigène local d’individus très petits, dont les femmes portent encore le vêtement traditionnel. Ils ont un visage très rond, les cheveux noirs jaies et longs. Les femmes portent une jupe en laine noire qui arrive jusqu’à mi molets, ou bien une jupe feutrée évasée, elles sont souvent en tong, elles portent un foulard en guise de ceinture, un haut en satin qui met en avant leur poitrine et un châle coloré ou un gilet par- dessus. Elles ont souvent les cheveux très longs coiffés en natte et colorés (en bleu par exemple) ou avec des tressages en coton (en vert par exemple). Elles portent un foulard noué à l’épaule en guise de sac à dos, qui leur permet de ranger leurs emplettes, leurs marchandise à vendre, ou leur bébé dont rien ne dépasse ni même la tête, on le devine seulement quand un pied dépasse de temps en temps. Les Tzotziles ne sourient pas, ils évitent plutôt notre regard. La plupart sont vendeurs ambulants, de choses ou de nourriture, ou bien ils mendient dans la rue. J’espère que dans leurs villages ça se passe mieux. L’auberge où nous passons la nuit est d’ailleurs tenue par une Maya Tzotzil, très timide. Il semblerait que sa famille vit avec elle dans l’auberge. D’un autre côté les Mexicains tiennent les business. Comme vous savez, la chrétienté a fait des ravages en Amérique Latine, hébergeant le plus grand nombre de croyants au monde. Ce qu’on ne dit pas, c’est que chacun interprète la chrétienté comme il l’entend. Aussi, les Tzotzils ont-ils adopté la chrétienté en voyant dans la croix non pas le Christ mais l’image de l’arbre de la vie, le Grand Ceiba ralliant les trois mondes (inframonde, terre et céleste). Aucun Christ crucifié donc. Ils ont aussi adopté les églises, dans lesquelles ils ont retiré l’autel et les bancs. Ils célèbrent la messe agenouillés sur un tapis de végétaux, ils prient et pour accompagner les défunts dans l’autre monde, ils égorgent un poulet pendant la séance, au beau milieu de la salle ! Ils ont également gardé les statuts des Saints, lesquels ils ont habillés pour qu’ils soient plus jolis. Une fois par an, ils leurs mettent un nouvel habit par-dessus l’ancien, ce qui rend les Saints de plus en plus boudinés ! Qui l’eût cru que la chrétienté aurait-pu être si hilarante !
On déjeune dans un patio qui ressemble à une serre tropicale, au milieu pousse un gros bananier, des palmiers, des plantes vertes en tout genre, avant de flâner dans les rues de San Cristobal, lui qui n’a rien d’un Saint. La culture de l’ambre est très présente et nous profitons d’être ici pour visiter un petit musée dédié à l’ambre, cette résine devenue minérale et qui nous permet de voyager 25millions d’année en arrière. Dans les gouttes de cette résine se sont retrouvés piégés de nombreux insectes : papillons, moustiques, abeilles, mouches, tipules mais aussi mantes religieuses, et même des petits lézards. Nous observons ces insectes à l’aide d’une loupe et voyageons dans ce que devait être la forêt primaire et la vie de la petite faune de l’époque dans le Golfe du Mexique. Après quelques bières artisanales, un vrai morceau de viande avec une bonne bouteille de vin mexicaine, on ne peut pas aller se coucher avant de rentrer dans une de ces « Agaveria » pour goûter le Mezcal ! Charlie en goûte deux et étonnamment, certaines saveurs de la maturation du Whisky ressortent.
Allez au dodo, pour être en forme pour vivre de nouvelles aventures !
Le patio d’un hôtel-restaurant de San Cristobal
Une rue de San Cristobal
Charlie à gauche, une femme Tzotzil à droite
Une mante religieuse d’il y a 25 million d’années, emprisonnée dans la résine.
La place centrale de Cristobal se transforme en marche le soir