Hier, nous nous sommes endormis avec le bruit de la pluie qui tombait sur le toit de la lodge. C’est à 4h00 que je suis réveillée une première fois par les cris glaçants des singes hurleurs. Ils dominent la jungle, imposent leur voix et les insectes chantent à leurs côtés. Je me rendors rapidement et suis réveillée encore quelques fois jusqu’à ouvrir vraiment les yeux à 7h30. Le concert des singes hurleurs a repris de plus belle. Les rideaux, censés couvrir la pièce, sont aussi utiles que les phares d’une voiture un jour de brouillard. Je crois que je commence à m’habituer à dormir peu importe les conditions que ça soit des sons importants ou une luminosité élevée.
Nous nous préparons pour aller prendre le petit-déjeuner. Je constate que mes jambes sont devenues de la chair à moustique. J’avais pourtant pris de l’anti-moustique. Il y a deux options. La première : le produit se trouve au fin fond du backpack. La seconde : le produit se trouve à la maison. Malheureusement, je crois que la seconde option est plus plausible.
Une fois arrivés dans la salle du petit-déjeuner (qui est en fait la même salle qui fait office de réception), nous sommes priés de nous installer au bar. Les deux autres tables sont prises par deux couples. Nous retrouvons papi, qui nous gratifie de son sourire vachement flippant. Vu qu’il n’a toujours pas appris l’anglais depuis la nuit passée, il se contente simplement de sourire. Encore et encore. Vraiment flippant. Bon, je dois quand même dire qu’avec son tee-shirt Volcom orange fluo, ça casse le mythe.
Une femme, aux cheveux si frisés qu’ils forment un nuage autour de sa tête, nous sert à manger. En réalité, c’est un immense festin. Nous recevons un bol de fruit, une bouillie d’origine indéterminée (une spécialité de papi), deux immenses pains grillé, une omelette, une tomate, un verre d’eau et un jus de fruit rouge sang. \240Je n’ai pas mangé la moitié, que je suis déjà calée. Ça fait beaucoup alors que mon estomac est encore endormi.
Après le repas, la femme nous demande où est-ce que nous avons réservé. Après notre réponse, elle nous dit qu’il y a quelques jours nous avons dû recevoir un débit venant de « Sommet Conscience ». A vous aussi, cela vous rappelle quelque chose ? La raison pour laquelle j’ai fait bloquer ma carte ! Donc en conclusion, nous sommes actuellement dans une secte au milieu de la jungle, tout va bien.
Nous récupérons Javier et nous nous mettons en route. A 19km en direction du Panama se trouve le Jaguar Rescue Center. Un centre dédié à la protection des animaux et à leur réhabilitation dans leur milieu naturel.
Le Jaguar Rescue Center (JRC) a été fondé en 2008 par deux biologistes. Un espagnol et une italienne qui habitaient proche de Puerto Viejo. Les gens du village ont commencé à leur amener des animaux blessés et ils ont fini par créer petit à petit le centre.
Aujourd’hui, le JRC vit essentiellement des dons qui leur permettent d’entretenir les locaux et de nourrir les animaux. Ils organisent chaque matin des visites guidées à 9h30 et 11h30. Elles coûtent 22 dollars par personne et l’argent est considéré comme don. \240Nous avons la chance ce matin de pouvoir bénéficier d’une visite en français.
Nous commençons la visite par celle des serpents. La plupart d’entre eux sont gardés quelques semaines à quelques mois en terrarium, ceci principalement pour éduquer la population à reconnaître les venimeux de ceux qui ne le sont pas. En effet, beaucoup de personnes prennent peur et tuent les reptiles dès qu’ils en voient un par méconnaissance. Au Costa Rica, les hôpitaux et pharmacies possèdent la plupart des antidotes contre le venin des serpents. Inutile d’en prendre une photo en cas de morsure, car grâce à la profondeur des dents et l’écart entre les deux crocs, les soignants peuvent reconnaître l’espèce et donner le traitement approprié. \240Le bon comportement à adopter en cas des morsures, est simplement de se diriger vers un centre de soin et éventuellement de désinfecter la morsure.
Il y a deux types de venin : hémotoxique et neurotoxique. L’un attaque directement le sang et se répand dans la circulation, tandis que l’autre provoque des symptômes neurologiques. Certains reptiles possèdent les deux. Les serpents auxquelles il faut se méfier, ce sont ceux qui ont une tête large en triangle et qui ont des pupilles verticales.
Nous croisons la route de Panetone (prononcé Panetoné), un ara vert, qui trotte vers nous. Il s’est cassé l’épaule étant bébé et il ne pourra jamais voler correctement. Par conséquent, il devra être détenu en captivité à vie. Les aras ont une longévité entre huitante et cent ans, chiffres qui m’impressionnent particulièrement. C’est une des stars du JRC. Loin d’être seul, il est accompagné de son amie Scarlett, un ara rouge. Les deux volatiles font la paire et sont réputés pour faire les plus grosses bêtises du centre.
Au coin des oiseaux, nous découvrons Rio, un toucan arc-en-ciel qui impressionne par son cou jaune et son bec coloré. Il y a deux types d’oiseaux. Ceux qui devront rester à vie ici au JRC et ceux qui peuvent partir. Ils ont un enclos ouvert qui donne sur une structure extérieure. A partir de là, ils peuvent choisir de s’envoler vers la liberté et ils le feront lorsqu’ils se sentiront prêts. Ceci est valable pour tous les oiseaux qui ont été blessé et sont guéris à présent.
La plupart des animaux sont admis ici à la suite de blessures liées à la mauvaise isolation des câbles électriques, aux attaques de chiens errants ou encore aux voitures. Il y a en moyenne trois animaux par jour qui sont amenés au JRC. Dans les statistique de l’année 2020, il y a 46% d’animaux décédés pour 40% relâchés. Le pourcentage restant représente les animaux hospitalisés au centre.
Paco est un singe araignée de trente ans. Il a eu une vie très dure, puisqu’il a été détenu en captivité durant vingt-sept ans. Et dans quelles conditions ? A une laisse longue d’un mètre seulement. Lorsqu’il a été récupéré par le JRC, il ne savait ni grimper, ni sauter. Durant toutes ces années de maltraitance il a été nourri uniquement au riz, haricot et coca-cola. Son pelage témoigne de ses longues années de souffrance. Aujourd’hui, Paco a beaucoup progressé et nous le voyons grimper aux arbres de son enclos. Malheureusement, il ne connaîtra jamais la vraie jungle. Paco est un papi singe, puisque sa longévité est située entre trente et trente-cinq ans. Mon cœur se serre quand il fait demi-tour, car il a gardé un tic important. Il réagit comme si la laisse lui entravait encore les mouvements.
La suite de la visite nous amène sur un des animaux emblématiques du Costa Rica, le paresseux ! Et nous en voyons même trois ensemble, car ce sont encore des bébés. Ce sont eux qui sont les plus touchés par les blessures du fait de leur lenteur. Il en existe deux sortes : les paresseux à deux doigts et ceux à trois doigts. Cela correspond uniquement à leur patte avant, car à l’arrière ils ont toujours 3 doigts peu importe l’espèce. Le paresseux a deux doigts est aussi appelée paresseux d’Hoffman, c’est un animal nocturne contrairement à celui à trois doigts.
Contrairement à ce que nous pourrions imaginer, les paresseux détestent l’être humain et détestent être touchés. Les trois doigts sont les plus tétanisés par l’homme, et par conséquent les « plus faciles à manipuler», car ils sont moins agressifs que les deux doigts. Ces derniers ont des canines qui poussent toutes leurs vies et peuvent mordre. Les paresseux ont toujours un air un peu niais, c’est ce qui fait en partie leur popularité. Un de leur moyen de défense, c’est d’ouvrir complètement les bras. Ainsi, ils exposent leurs griffes puissantes de trois fois la force humaine. Il y a d’ailleurs une loi au Costa Rica qui empêche de faire des selfies avec des animaux, car il y a eu trop de dérapage.
Les paresseux ont la capacité de tourner la tête à 180°. Leurs poils poussent en sens inverse, car ils passent la majorité de leur temps la tête à l’envers. Ils sont toujours en train de manger, ce qui provoque une digestion permanente et cela influence majoritairement sur leur vitesse. Lorsqu’il pleut, ils sont capables de se déplacer plus rapidement pour se mettre à l’abri, car ils n’ont pas de moyen de thermorégulation et peuvent être rapidement en hypothermie. Une fois par semaine, ils descendent de l’arbre pour faire leurs besoins. Ils vont jusqu’à perdre un tier de leur poids.
Leur pelage est un véritable écosystème à lui tout seul ! En effet, ils ont sur eux deux types d’algue unique au monde. En plus de ça, divers insectes y font leurs nids. C’est ce qui permet de les camoufler visuellement et olfactivement des autres prédateurs. Ces derniers ont souvent l’impression que le paresseux est un animal décédé. Bonjour l’odeur !
La gestation de ces animaux dure onze mois et demi. La maman met généralement bas à un seul bébé. S‘il y en a un deuxième, elle abandonnera le plus faible, car elle n’aura pas la force d’élever deux petits. C’est une des raisons qui fait qu’il y a souvent des bébés paresseux au JRC. Ils sont pris en charge trois années (garderie, collège et enclos de pré-relâchement) avant de pouvoir être réhabilités dans leur milieu naturel. Aujourd’hui, le paresseux reste un animal encore très mystérieux qui a besoin d’être étudié pour en comprendre mieux le fonctionnement.
Plutôt, un pécari à collier, court le long du grillage au rythme de nos pas. Il ressemble à un petit sanglier avec son groin. Il a dix mois et vient d’être castré. Animal très sauvage dans son habitat naturel, il s’est pris d’amitiés avec tous les humains du centre. Malheureusement, ce sont des mammifères qui vivent en grand groupe et seul, il ne pourra pas être relâché dans la nature. Il risquerait même de se faire tuer par ses propres congénères.
Nous terminons la visite par Diavolino, l’animal qui est là depuis le plus longtemps. En effet, il est arrivé en 2009, une année après la création du JRC. C’est un Margay, un félin, à peine plus grand qu’un chat. Le centre reçoit parfois des animaux qu’ils n’ont jamais eu avant et ils doivent s’adapter rapidement pour les traiter correctement. Diavolino a été le fruit de la première erreur du centre, car il a été trop en contact avec les humains du centre. Au moment de le relâcher, le félin revenait systématiquement au centre avec des proies comme offrande. Exactement comme le ferait un chat domestique. Pour cette raison-là, Diavolino restera au JRC. Grâce à lui, ils sont devenus une référence pour prendre en charge les félins sur la côte caribéenne.
La bénévole qui finit la visite nous explique qu’en ce moment ils sont quinze bénévoles alors qu’il y a deux mois ils étaient cinquante. Lors de la première vague de Covid-19, ils étaient seulement huit et le vétérinaire n’a pas pris un jour de repos entre janvier et août. En résumé, le JRC accueille des bénévoles toute l’année. Les conditions sont d’avoir plus de dix-huit ans et de s’engager pour quatre semaines au minimum.
Après cette visite forte en informations, nous faisons un stop à Puerto Viejo. Bien plus vivant que Cahuita, Puerto Viejo est rempli de bar et de petites boutique. Le tout avec une ambiance détendue et chill comme le reste de la côte caribéenne.
C’est l’heure pour nous de savourer un délicieux repas avec vue sur mer. Nous nous rendons \240au « Grow », un bar-restaurant, en mode healthy and vegan. Nous mangeons deux énormes burritos accompagné de l’humidité écrasante du bord de mer.
Le ventre rempli, nous partons au parc national de Cahuita. Petit conseil : si vous entrez sur le GPS « Parc Cahuita », vous allez tomber sur le parc pour enfant du village... qui n’a donc rien à voir avec le parc national !
Nous arrivons finalement à bon port. Un mec gère le parking et en sortant nous propose une visite guidée d’une heure pour 20 USD. Nous acceptons étant donné que nous avons conscience de notre incompétence à trouver des animaux même s’ils sont juste sous nos nez.
En fait, le mec qui gère le parking devient d’un coup notre guide. C’est un peu n’importe quoi. Rapidement, il nous montre une tortue, un basilic, deux iguanes et une vipère Schlegel. Cette dernière est connue pour sa magnifique couleur jaune. Le Costa Rica abrite 162 espèces différentes de serpent dont 23 sont venimeuses. La vipère Schlegel en fait partie.
Le reste de la visite il n’y a pas d’animaux supplémentaire et notre guide de fortune ne semble pas motivé à nous donner des informations supplémentaires. Il nous abandonne d’ailleurs à mi-chemin du sentier. Sans lui, nous n’aurions pas vu les animaux que j’ai cité plus haut, donc ce n’était pas plus mal.
J’avoue que c’est quand même ma plus grande frustration. C’est sûr que le Costa Rica est réputé pour sa diversité impressionnante de faune et flore. Je pensais naïvement que les animaux seraient simples à voir. En mode Disneyland. Genre un Jaguar apparaît en \240chantant sur le chemin pédestre tandis que les scarabées tapent sur les petites branches en rythme et que les tatous roulent en boule d’avant en arrière. D’accord, j’exagère. Il est vrai que je pensais que cela serait tout de même plus facile. D’autant plus que nous n’avons pas vu de paresseux supplémentaires.
Nous apercevons un Bernard l’Hermite sur la place juste avant de faire demi-tour pour reprendre Javier. Un petit détour par notre secte dans la jungle et nous repartons pour la Playa Cocles . Programme : repos et plage pour les quelques heures qu’il reste avant le coucher du soleil. Je constate sur la plage que j’aii au moins 3 piqûres de moustique au centimètre carré. Un peu plus tôt, nous avons acheté un répulsif et un pommade après moustique... il était temps.
Nous faisons la soirée à Puerto Viejo pour l’apéro et poursuivons dans un bar-restaurant qui propose de la musique en live, le Hot Rock. L’ambiance est sympa, et une pluie torrentielle de type tropicale s’abat sur nous. Vu qu’elle n’a pas vraiment l’intention de s’arrêter, nous finissons par partir à 20h40. C’est déjà un exploit en soit pour l’EMS que nous sommes, car à cette heure-là nous sommes presque au lit d’habitude.
Nous réussissons à rentrer sans embûche malgré la pluie qui martèle le bitume. Les ennuis commencent juste après. Notre hôtel se situe toujours en plein milieu de la jungle. Des immenses araignées font guise de comité d’accueil. En arrivant vers la porte, je sens une toile et m’exclame de dégoût. Nous pénétrons dans la salle de réception et au moment de refermer la porte, je pousse un juron et m’écarte de deux mètres. Une sorte de sauterelle, de la taille de ma main, frémit ses antennes sur la porte vitrée. Doux Jésus ! Nous fuyons jusqu’à la chambre.
Nous nous douchons et pensons naïvement être en sécurité. Soudain, un énorme insecte se matérialise sur les murs blancs de la salle de bain. C’est quoi leur problème ce soir ? Aurélien est dans la place, il prépare un verre et une feuille pour capturer l’insecte. Pendant ce temps, je cherche tout un tas d’autres alternatives raisonnable, comme de brûler la jungle par exemple. J’ouvre finalement la porte à Aurélien et notre non-invité dans son verre. L’affaire est dans le sac, il s’apprête à remettre le verre dans la salle de bain quand je constate qu’il est toujours là ! Juste là au fond du verre ! La nervosité me fait piquer un fou rire comme jamais. Aurélien réitère l’expérience et laisse, grâce à mes précieux conseils, le verre dehors avec, cette fois, l’insecte dedans.
Ouf, cette fois, nous pouvons nous endormir en paix à 22h00 passée. Erreur ! Erreur ! Je répète erreur ! En terminant d’écrire, je me dirige une dernière fois aux toilettes. Fièrement sur le trône, tout se passe bien, quand soudain, un énorme insecte apparaît à quatre centimètre et demi de moi sur ma gauche. Je hurle et cours culotte en bas dans toute la chambre. Aurélien le sauveur attrape la bête et cette fois décide de la mettre dans les toilettes. Je pense que je ne vais définitivement plus jamais aller aux toilettes ici.